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devoirs sérieux, et je sais que vous ne les ignorez pas ; vous êtes animé d’une noble ambition.

— De quelle ambition voulez-vous parler ? demanda Gaston de plus en plus surpris.

— Vous êtes un enfant du siècle, reprit M. Levrault, qui se rappelait les paroles de la marquise ; vous n’avez point d’engagemens avec le passé. Vous avez grandi librement, sans contrainte, dans l’atmosphère des idées libérales ; c’est à peine si vous vous souvenez de la tempête qui fracassa le trône de saint Louis. Je ne vous ai jamais entendu parler qu’avec déférence de la nouvelle dynastie ; vous aimez les jeunes princes.

— Je ne m’en défends pas, répondit Gaston, qui cherchait vainement à deviner où son beau-père voulait en venir. Je me suis assis avec les jeunes princes sur les bancs du collège. Plus tard, le hasard m’a placé sur leur route. Je les ai rencontrés à Fontainebleau, dans une partie de chasse, et je n’oublierai jamais la journée charmante que j’ai passée au milieu d’eux. Ce sont de braves jeunes gens qui servent loyalement leur pays.

— Eh bien ! qu’attendez-vous ? demanda M. Levrault d’un air victorieux.

— J’attends, monsieur, que vous vous expliquiez, répliqua le jeune marquis.

— Parbleu ! mon gendre, vos intentions ne sont un mystère pour personne. Vous avez compris les obligations que vous impose votre nom ; vous brûlez de prendre part au maniement des affaires publiques. Un La Rochelandier ne doit pas rester à l’écart et se croiser les bras. Le présent, l’avenir, vous réclament. Vous voulez vous rallier, et vous avez raison.

— Me rallier ! s’écria Gaston comme un homme réveillé en sursaut ; me rallier ! Qui donc m’a prêté de telles intentions ? Chacun comprend à sa manière les obligations que lui impose sa naissance. Je n’ai pas de haine contre les institutions nouvelles, j’aime les jeunes princes, mes regrets pour le passé sont sans amertume ; mais pense-t-on que j’oublie à quelle famille j’appartiens ? Mon père m’a laissé un noble exemple que je ne déserterai pas. Si je ne fais pas de grandes choses, du moins je ne renierai pas, je ne foulerai pas aux pieds les traditions de ma famille.

— Ainsi, monsieur le marquis, s’écria M. Levrault se dressant brusquement sur ses jambes, votre intention n’a jamais été de vous rallier ?

— Je n’y ai jamais songé, repartit tranquillement Gaston ; mais, encore un coup, qui donc, je vous prie, a pu vous conter une pareille fable ?

— Qui me l’a dit ? Votre mère, monsieur le marquis.

— Ma mère ! reprit Gaston avec hauteur ; ma mère ! Vous n’y songez