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parlementaire peut toujours créer ? Si le gouvernement parlementaire veut vivre ou revivre, il faut, nous le disons avec un certain embarras, il faut qu’en ce moment il dorme un peu, sans cependant avoir les yeux trop décidément fermés. Il faut même que l’éloquence politique fasse un peu la morte. Cela nous coûte à dire, parce que cela a l’air de signifier que le pays ne serait pas très disposé à l’écouter et à prendre d’elle une consigne ; mais, quoique triste, cela est possible, et ce qui nous le fait croire, c’est qu’une grande crise ministérielle s’est accomplie, sans que personne ait dit un mot pour demander pourquoi et comment cette crise s’est faite. Ce changement à vue, sans paroles, est un phénomène dans un gouvernement parlementaire, ou plutôt cela prouve la profonde altération qui s’est faite depuis le 24 février 1848 dans le gouvernement parlementaire. La haine de la licence nous fait craindre jusqu’à l’usage de la liberté, et voilà pourquoi personne n’a parlé à la tribune de l’acte du 31 octobre, voilà pourquoi le gouvernement parlementaire a dormi, quoiqu’il eût toutes sortes de raisons d’être éveillé ; voilà pourquoi ce qui en d’autres temps eût fait un fracas épouvantable n’a pas fait le plus léger bruit. Nous sommes donc persuadés qu’en demandant à la majorité parlementaire d’appuyer le gouvernement dans la mesure de ses convictions et des nécessités sociales, nous prêchons des convertis.

Le procès de Versailles vient de s’achever au milieu de l’indifférence qui l’a accompagné pendant tout le cours, des débats. Cette indifférence est la première et la plus grande punition des accusés. Ils n’y voulaient pas croire. Ils ne pouvaient pas se résigner à penser que la France, l’Europe et le monde n’avaient point les yeux tournés sur eux. On dit même qu’un des accusés, s’étant mis un jour furtivement à la fenêtre du palais de justice, a été consterné de la solitude qu’il a vue autour de la salle des séances. Il a eu, il est vrai, la ressource de croire que c’était la police qui s’arrangeait pour faire le vide. La police n’y est pour rien, hélas ! et le vide s’est fait tout seul autour des conspirateurs du 13 juin. Nous avons dit hélas ! et le mot mérite explication. Est-ce que par hasard nous regrettons que l’émeute ne soit pas venue hurler autour du palais de justice de Versailles ? Assurément non. Seulement nous croyons que, si les méchans prenaient plus de part au péril des leurs, les bons, à leur tour, prendraient plus de part aussi et plus d’intérêt au péril de la société, que les témoins, par exemple, se sentiraient soutenus ces vifs mouvemens de sympathie publique qui ont de l’action et de l’effet sur les magistrats eux-mêmes, qui donnent a leur accent plus d’ascendant et plus de force, qui empêchent enfin que le prétoire de la justice ne semble se partager également entre les accusés et les magistrats, se faisant tour à tour leur procès les uns aux autres. Voilà Pourquoi nous nous plaignons de l’indifférence que les accusés ont rencontrée dans leurs amis ; nous en regrettons le contre-coup.

Rendons cette justice aux accusés, et surtout à leurs avocats, qu’ils ont tout fait pour triompher de cette désespérante indifférence. Ils ne se sont épargné aucune violence de langage, aucun appel aux passions populaires ; mais tous leurs coups se sont perdus, et le grand silence de Versailles a fini par tout envahir. Ce silence a son bon côté. Il n faut cependant pas qu’il nous fasse perdre les leçons qui sortent du procès du 13 juin.

C’est dans l’instruction de ce procès que l’on peut apprendre à connaître la