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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.


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14 novembre 1849.

Le message du président et le changement du ministère ont donné la scène politique une face toute nouvelle. On ne s’attendait pas à cette péripétie ; mais depuis qu’elle s’est faite, on ne veut plus ne pas s’attendre à quelque chose, et le Moniteur a cru devoir déclarer qu’il ne fallait s’attendre à rien de plus qu’à ce qu’on avait vu. Soit : nous commençons à croire que, depuis la révolution de février, les gens qui ne s’attendent à rien sont plus près de la vérité que ceux qui s’attendent à tout. Nous pensons cependant que la vraie sagesse doit se composer un peu de ces deux sortes d’attente, celle de tout et celle de rien. Faisons, après coup et avec le sentiment d’un simple spectateur du parterre, l’histoire de cette péripétie du 31 octobre.

On croyait que la crise était entre la majorité et le ministère, et il s’est trouvé qu’elle était entre le président et le ministère. Nous devons remarquer à ce sujet quelle illusion les habitudes du gouvernement parlementaire faisaient à l’assemblée tout entière, et combien les diverses fractions de l’assemblée étaient loin de se douter qu’elles vivaient sous l’empire de la constitution de 1848. Elles se croyaient encore sous la monarchie constitutionnelle, dans le temps où le ministère ne pouvait durer que s’il se conformait aux opinions et aux sentimens de la majorité, à moins que le ministère ne crût qu’il était lui-même plus conforme aux opinions du pays que ne l’était la majorité. Dans ce cas, la chambre était dissoute, et le pays jugeait. De cette manière, c’était le pouvoir élu et législatif qui, au premier degré, avait la prépondérance, et le pouvoir électif et populaire qui, au second, décidait la question. Ce système était peu libéral et peu populaire : apparemment, puisque nous l’avons supprimé. Maintenant le ministère n’a plus à s’inquiéter de savoir s’il est ou s’il n’est pas conforme à la volonté et aux opinions de la majorité législative, mais s’il est conforme à la volonté et aux opinions du président de la république. C’est par là, en effet, qu’il vit ou qu’il meurt. Le pouvoir législatif n’a pas le dernier mot au premier degré, ni le pouvoir électif le dernier mot au second degré, comme