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pensons que l’Université, reconstituée ainsi de nouveau sur d’aussi fortes bases, pourrait braver une liberté d’enseignement beaucoup plus large que celle qui a été proposée jusque aujourd’hui. Tous ceux, par conséquent, à qui ce système d’éducation n’agréerait pas complètement auraient la ressource d’une concurrence très étendue pour s’y soustraire. Dans la résistance opiniâtre et exagérée que l’Université a faite jusqu’ici aux idées libérales en matière d’enseignement, nous croyons qu’il y a eu à son insu une conscience de ses propres faiblesses, ou du moins du peu qu’elle faisait pour lutter contre les faiblesses générales de la société. Appuyée sur une assiette plus solide, embrassant sa tâche par une plus vaste et plus sûre étreinte, nous croyons qu’elle se montrerait moins jalouse du monopole, moins craintive en face de la liberté. Assurément nous n’avons pas l’intention de traiter ainsi incidemment une question qui partage la France depuis tant d’années, et d’ailleurs, nous l’ayons dit en commençant, ce serait déjà un tel bonheur pour nous qu’on eût pu arriver, dans cette querelle malheureuse, à une solution quelconque, que Dieu nous garde de dire un mot pour troubler les efforts qu’on fait en ce moment. C’est donc avec toutes les réserves de droit pour la loi actuellement en discussion, et conséquemment dans des vues d’avenir, que nous voudrions expliquer, avant de terminer, pourquoi, après une réforme véritable de l’Université, nous irions, en fait de liberté, beaucoup plus loin qu’aucun projet de loi ne s’est encore avancé jusqu’ici.

À dire le vrai, en effet, pense-t-on que ce qui, sous le gouvernement dernier, retenait tant d’hommes d’état éclairés dans une assez grande réserve à l’égard de la liberté d’enseignement, ce fût, comme on le disait, une terreur puérile de l’envahissement du clergé ? Ce serait faire trop de tort, je ne dis pas à des caractères qu’on peut juger diversement, mais à l’esprit dont on ne les a jamais accusés d’être dépourvus. Quiconque aurait gouverné la France de nos jours et pourrait s’être effrayé pour elle de l’excès des convictions religieuses aurait, il faut en convenir, le cerveau hanté d’une étrange hallucination. Fût-on le pire des gouvernemens, on ne conspire point à ce degré contre ses propres intérêts. Ce qui arrêtait dans la voie de la liberté des esprits naturellement libéraux, c’était précisément la crainte de lâcher les dernières écluses qui retenaient encore le torrent des passions ambitieuses dans la société ; c’était la crainte que la liberté, commue nous le disions tout à l’heure, ne se mit au service de toutes les fantaisies d’une nation déréglée. On craignait l’abaissement des études, et, avec cet abaissement un élément de confusion de plus dans le chaos des situations et des espérances. Ce mélange d’idées libérales et de craintes, au fond assez sensé, est visible dans les essais, dans les tâtonnemens successifs (si on ose parler ainsi), qui, sous le nom de projets de lois, se sont produits dans nos assemblées. Il apparaît encore dans la loi nouvelle,