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supérieure, l’éducation littéraire est un corps sans tête et un effet sans cause.

Que faut-il pour donner à la France une éducation supérieure ? Tout simplement prolonger d’un ou deux ans l’éducation littéraire, incorporer les cours de philosophie et de lettres ès-facultés dans le programme obligatoire des études, au même titre, quoique sous des conditions différentes, que la classe de rhétorique des collèges. La raison de deux obligations serait parfaitement pareille, car s’il est bon d’apprendre à expliquer couramment Sophocle, Démosthènes ou les pères de l’église, ce n’est pas apparemment pour se détourner ensuite avec dégoût de ces grands monumens, et les reléguer dans quelque coin oublié de son esprit et de sa bibliothèque : c’est pour arriver à se pénétrer de leurs beautés c’est pour élever son ame dans leur commerce, c’est pour que l’imagination se colore, c’est pour que le cœur se fonde à la chaleur de cet enthousiasme honnête qui s’allume au flambeau de l’art. Dès-lors, il est parfaitement naturel que ceux qui ont passé six ou sept ans à apprendre le grec et le latin en donnent un ou deux pour parcourir avec un guide éclairé tout ce domaine enchanté dont l’accès leur a été si difficile. Et qu’on ne dise pas que le temps presse, et qu’il faut pourtant faire passer les jeunes gens en temps utile de l’éducation à la pratique. D’une part, en effet, en plaçant dans ces deux années des études philosophiques obligatoires, on pourrait supprimer la classe de philosophie du collége, et abréger ainsi d’un côté ce qu’on prolongerait de l’autre. Ensuite, comme nous l’avons déjà fait remarquer, grace à la séparation que avons essayé de tracer entre les jeunes gens destinés aux diverses professions, il ne nous reste plus ici, dans l’hypothèse, que ceux qui se consacrent aux professions savantes et pour qui l’étude n’est jamais du temps perdu, ou bien ce petit nombre particulièrement favorisé par la fortune, que le besoin de vivre ne presse pas, et qui a tout à gagner à passer un an de plus loin des tentations du monde brillant qui l’attend. Enfin, il ne nous paraît nullement impossible de combiner avec ces années supplémentaires d’études littéraires et philosophiques le commencement d’études plus spéciales. Rien au contraire n’est plus facile ni plus conforme à un plan véritable d’éducation supérieure.

S’il nous était permis, par exemple, sans trop de ridicule, de tracer ici le programme de l’éducation supérieure comme nous l’entendons, nous le composerions de deux années d’études générales, et de deux ou trois d’études spéciales. En supprimant, comme nous l’avons dit, la classe de philosophie des collèges, qui devient inutile du moment que les facultés reprennent un enseignement sérieux, ce ne serait qu’une année au plus ajoutée à celles qu’exigent aujourd’hui déjà les facultés de droit et de médecine.