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toute espèce d’action morale, il ajouterait, loin d’y porter remède à l’anarchie des esprits. Avec l’action de l’état se retirerait l’esprit d’ordre et de règle, dernière et faible digue au flot toujours montant du scepticisme. Le chaos s’emparerait de tout le terrain qu’il aurait abandonné. Il doit continuer à remplir les devoirs qui seuls lui donnent le droit de commander, se rattachant avec force à ces croyances communes, à la raison comme à la foi, et dont toutes les religions se glorifient d’affermir les bases et d’épurer la pratique ; laissant du reste à la religion le champ libre pour y répandre sa propagande, et l’appelant à son aide dans la mesure que permet le respect des consciences. C’est dans ces limites souvent méconnues que doit s’exercer, suivant nous l’action de l’état dans l’éducation publique. Si ses leçons ont soin, par une saine morale, de défricher le terrain des intelligences ; s’il ouvre en même temps toutes les voies à la religion pour y semer librement, ou bien la religion a perdu cette vertu communicative qui a fait son triomphe dans le monde, ou bien elle ne doit pas tarder à régner partout où il lui est donné de pénétrer.

La conclusion que nous tirons de tout ceci, c’est qu’il faut mettre activement la main à l’œuvre pour extirper de l’enseignement de l’état tous les vices qui corrompent son action morale. Précisément parce qu’il est privé de la douce chaleur des idées religieuses, c’est une raison de plus pour l’enfermer dans des cadres sévères qui contiennent l’entraînement des passions. La règle doit suppléer à ce qui peut manquer à l’esprit. Or les vices de l’éducation publique, tels que nous en avons donné, dans le précédent article, l’exposé détaillé, se réduisent, nous l’avons vu, à deux principaux : nul rapport entre l’éducation des enfans et leur situation future dans la vie ; habitude funeste de les arracher à leurs familles et à leurs liens naturels. L’éducation publique de France déclasse et déplace tout le monde. C’est à combattre ces deux résultats par deux mouvemens en sens contraire que la réforme doit s’attacher. Il faut qu’en respectant l’égalité démocratique, elle introduise dans l’éducation des principes de classification semblables à ceux qui se retrouvent dans la nature. Il faut que, sans altérer l’unité de la France, elle désaccoutume pourtant les esprits de penser qu’il n’y a qu’un seul endroit où on puisse vivre, et qu’il n’y a de bonheur pour la destinée ou de place pour l’ambition que hors du cercle où l’on est né. Tout ce que nous allons dire est conçu dans ce double but. Qu’on pardonne, en raison de son importance L’aridité de quelques détails. Les idées générales n’ont de valeur qu’à la condition d’aboutir à quelques conclusions pratiques.

Nous avons peu insisté sur les défauts de notre éducation primaire ; nous n’insisterons guère davantage sur les réformes qu’elle exige. En réduisant le programme des écoles à ce qui est essentiellement nécessaire