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c’est un grand malheur, dis-je, que la religion ne puisse pas servir de règle absolue et d’inspiration constante à l’enseignement de l’état. Nous savons tout ce qu’une conviction religieuse sincère prête de force et de douceur à la parole du maître, même quand l’objet qu’il enseigne ne se rattache pas directement aux vérités dont la religion s’occupe. Dans les écrits de celui qu’on a nommé le bon Rollin, par exemple, même au milieu des récits des temps du paganisme, on respire je ne sais quel parfum de charité, qui avertit que c’est un chrétien qui parle. Et si cela est vrai d’un ouvrage, combien n’est-ce pas plus vrai d’un homme ! Dans les rapports personnels des maîtres et des enfans, difficiles par eux-mêmes, car la tâche est ingrate et l’âge est sans pitié, la religion seule peut venir à bout de former à justes doses ce mélange d’affection, d’estime et de crainte qu’on appelle le respect. Si cette heureuse influence n’est pas bannie, quand elle se rencontre des collèges de l’état, il est parfaitement vrai que, sans une inquisition sur les croyances des professeurs, contraire à nos lois comme à nos mœurs, elle n’y peut être ni toujours ni nécessairement présente, et nous le déplorons sincèrement. Tout ce que l’état peut et doit exiger de ses professeurs, c’est qu’ils n’offensent jamais la religion ; il ne peut pas leur commander de l’inspirer. Cette décence extérieure est peu de chose, nous en convenons ; mais n’y a-t-il qu’en matière d’éducation qu’il faille regretter l’absence d’un principe religieux positif ? Est-ce que dans tous les grands actes que l’état fait au nom de la société, il ne serait pas désirable que la religion interposât à la loi qui commande et le citoyen qui obéit cette autorité mystérieuse qui rend la contrainte inutile ? Est-ce qu’il ne serait pas heureux que le caractère religieux fût empreint sur tous les actes d’un grand état ? Dans beaucoup d’autres matières que l’éducation, dans la charité publique par exemple, dans le régime pénitentiaire, partout où il y a une action morale à exercer, le vide d’une religion nationale se fait cruellement sentir. Faut-il donc en conclure, par un raisonnement analogue, qu’un état qui professe la liberté des cultes, dépourvu de croyance officielle, est par là même incapable d’exercer sur la société qu’il commande aucune action morale ? Cela serait grave à prononcer, car, d’une part, la France n’est pas prête à renoncer à la liberté de conscience, et de l’autre je ne saurais être matérialiste à ce point de croire qu’on peut parler aux corps sans passer travers les ames.

Il n’y a donc, dans les difficultés qu’on nous pose, rien de spécial à l’éducation. Il en faut conclure simplement que la liberté de conscience d’où résulte l’absence d’une religion nationale est, en matière d’éducation, comme en toute autre, une des grandes difficultés des gouvernemens modernes. Privés de l’appui qu’ils trouvaient dans des dogmes respectés et dans une église officiellement reconnue, leur autorité morale