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offrira ce que l’Université leur donne déjà, mais pas assez complètement leur gré, une instruction à la fois économique et superficielle, qui les flatte sans les ruiner, qui leur permet des rêves brillans pour l’avenir sans leur imposer pour le présent des sacrifices trop onéreux. C’est vers Paris que se portent les regards des pères de famille. C’est à Paris que la concurrence s’empressera de les devancer. En un mot, loin de résister au courant, elle se placera complaisamment au fil de l’eau pour le descendre. Ce n’est pas une raison, sans doute, pour refuser la liberté d’enseignement, que tant d’autres motifs élevés réclament ; mais c’est une raison pour ne pas se fier à elle outre mesure ; et pour organiser plus que jamais, en face d’elle, un enseignement public qui, résistant avec intelligence, mais avec force, aux penchans funestes de la société, serve à l’enseignement privé, sinon de règle, au moins de modèle, et place à des hauteurs fixes les divers niveaux de l’éducation générale.

Mais voici ce qu’on peut nous dire. Le grand mal des générations nouvelles, c’est la négation de toute croyance qui guide et rallie les intelligences et qui affermisse les caractères ; de telles croyances ne prennent racine que dans l’enfance, et, quoi que vous fassiez, votre enseignement officiel ne pourra jamais s’employer à les rétablir. On fait observer que dans un pays où, grace à la liberté des cultes, plusieurs communions religieuses jouissent de droits égaux, et où la liberté de penser, c’est-à-dire l’indépendance de toute religion positive, est un droit commun dont, en fait, beaucoup profitent, l’enseignement donné à l’état ne peut jamais porter le cachet exclusif d’une religion dogmatique. Il doit s’abstenir de toucher à ce qui fait la différence des diverses communions entre elles, et ce qui distingue aussi la religion de la philosophie, les dogmes proprement dits, la révélation qui les fonde. Il lui est interdit de se réclamer d’aucune autorité surnaturelle, visible ou invisible ecclésiastique ou scripturaire. L’éducation donnée par l’état se trouve par là privée d’une des plus grandes sources d’autorité morale qui soit en ce monde. Ainsi dépourvue de bases fixes, elle devient, ajoute-t-on, plus dangereuse qu’utile. Elle donne aux facultés un développement qui les égare. Les croyances religieuses sont en quelque sorte le centre de gravité des connaissances humaines quand il s’ébranle, les esprits flottent à l’aventure.

Il y a, dans ce raisonnement, un singulier mélange de vrai et de faux qui rend difficile, au premier moment, de le réfuter complètement. Convenons d’abord de la vérité. Nous n’éprouvons aucun embarras à le reconnaître, c’est un grand malheur que la religion, et par là j’entends une religion positive et dogmatique, — disons plus, il est difficile de donner sincèrement ce grand nom à plusieurs choses, —