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dans les progrès des États-Unis : elle introduit au sein de la population américaine un élément reproducteur très actif. En effet, comme ce ne sont point les vieillards qui s’expatrient, la presque totalité des émigrans sont dans la force de l’âge ; ceux qui sont dans le célibat se trouvent bientôt sous l’empire des conditions qui, aux États-Unis, font du mariage une absolue nécessité, et ne tardent point à se marier : l’Amérique profite ainsi de la fécondité d’une émigration nombreuse qu’elle n’a point eu à élever, et que l’Europe perd au moment où elle devient reproductive. Or l’émigration, à elle seule, entre pour une forte proportion dans l’accroissement de la population américaine.

M. Carey a oublié d’en tenir compte dans ses comparaisons entre les États-Unis et l’Europe : voici comment il procède, et cet exemple donnera une juste idée de sa méthode. Il établit à la façon des mathématiciens, et en guise de théorèmes de géométrie, les deux propositions suivantes, que nous laissons à discuter aux économistes : — Plus une population a de sécurité pour les personnes et les choses, plus elle s’enrichit vite ; plus elle est riche, plus elle peut devenir et plus elle devient féconde. De ces deux théorèmes, M. Carey déduit le dilemme suivant : que si la population croît plus vite aux États-Unis qu’en Europe, c’est qu’il y a aux États-Unis plus de richesse, plus d’ordre et de sécurité que partout au monde. Il prend alors les tableaux de population dans les deux mondes, et une simple règle de trois lui donne en faveur des États-Unis des moyennes énormes. L’auteur américain s’est bien avisé après coup qu’il n’avait pas le droit de porter au compte des naissances l’accroissement de population imputable à l’émigration ; aussi avertit-il en note qu’il convient de déduire pour ce chef 10 pour 100 de l’augmentation annuelle de la population dans les États-Unis. M. Carey croit cette déduction suffisante. Il prétend en effet, sur la foi des Annales statistiques de Seybert, que jusqu’en 1817 il n’est pas arrivé 10,000 Européens par aux États-Unis. Il déclare n’avoir point de renseignemens de 1817 à 1825, et s’appuie sur le nombre des passagers inscrits aux bureaux de douanes des principaux ports, pour conjecturer que le nombre des émigrans n’a pu s’élever à 20,000 par an. M. Carey tient donc pour nulle toute immigration antérieure à 1815 et de 1815 à 1830 il dresse un tableau dans lequel l’immigration de 10,000 s’élève graduellement à 32,000, ce qui pour quinze ans, donne une moyenne annuelle de 25,000. M. Carey prétend que cette moyenne suffit à rendre compte soit des émigrans qui viennent par mer, soit de ceux qui peuvent arriver aux États-Unis par le Canada.

Ni ces calculs ni ces raisonnemens ne sont admissibles, parce qu’ils sont en contradiction manifeste avec les faits, qui attestent, que l’émigration est beaucoup plus forte que ne le croit M. Carey. Le recensement