Page:Revue des Deux Mondes - 1849 - tome 4.djvu/619

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

hôva ou seulement la tenir en échec ? il y a une rade excellente ; on ne peut choisir un lieu de rendez-vous plus commode : c’est un camp retranchée naturel. Les Sakalaves, ces irréconciliables ennemis des Hôvas, traqués par eux, s’y sont déjà réfugiés en grand nombre, ainsi que sur la presqu’île qui est en face : nous pouvons leur offrir un asile, échauffer leurs haines et les entraîner avec nous. Hors de là, qu’est-ce que Nossi-Bé ? Un simple poste militaire qu’il faut garder malgré les fièvres qui, chaque année, y déciment nos soldats, parce que notre pavillon ne doit pas reculer, parce que c’est un jalon posé là dans l’avenir de la France dont nous n’avons pas le droit de désespérer. Notre premier essai d’établissement ne fut pas heureux ; nous y avions un détachement de vingt-cinq soldats : vingt-deux y moururent, et les marins de l’expédition ne furent guère mieux traités par les fièvres du pays. On ignorait alors le caractère de ces maladies ; on s’aventurait au hasard, sans précautions : depuis, nos soldats, mieux abrités, mieux soignés dans un ponton-hôpital, ont couru moins de risques. Du reste, l’île est fertile ; le sol, composé de détritus volcaniques, est fécond ; les vallons sont verdoyans, et les montagnes, toutes couvertes de forêts, renferment des bois de construction faciles à extraire et en quantités presque inépuisables. Il ne faut pas songer à y fonder un arsenal de guerre ; les côtes ne sont point favorables à la défense : il n’y a point de port.

Mayotte est mieux partagée du côté de la mer. Une ceinture de récifs à fleur d’eau l’enveloppe de toutes parts : on dirait une muraille de coraux élevée du fond de l’océan à travers la succession des âges par les polypes, ces maçons de la mer. Cette muraille, heureusement, n’est pas continue ; elle est coupée d’ouvertures profondes, de passes qui, comme autant de portes, permettent aux plus grands vaisseaux d’entrer dans la mer intérieure, vaste rade qu’abrite le récif et où l’on trouve mouillage partout. Les découpures de la côte et les îlots compris dans l’enceinte forment des anses, des rades et même une crique où l’on pourrait fonder un port de carénage. Dans la partie nord-est de cette zone, la nature, en mettant en regard la presqu’île de Chaoa et l’îlot, ou plutôt le promontoire de Zaoudzi, qui se détache comme une péninsule de l’île de Painanzi, a fait presque tous les frais d’un établissement maritime. C’est sur cette butte de Zaoudzi qu’on a proposé d’élever le Gibraltar de la mer des Indes ; mais les forts et les batteries qu’il faudrait dresser sur les récifs et les îlots pour défendre les passes, les citadelles et les ouvrages destinés à couvrir la rade ; les fortifications de l’arsenal, les frais d’entretien et de garnison sur cette terre ingrate où il faudrait tout porter, coûteraient des sommes presque fabuleuses. Avant d’enfouir là les millions de la France, ne doit-on