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le partage de la pologne.

deux partis prit la plume et fit porter aux grandes puissances des réclamations et des plaintes auxquelles on répondit par un silence glacial. Seul, Frédéric, cachant un bon conseil sous des formes blessantes, exhorta le grand-général à s’entendre le plus tôt possible avec les Czartoriski, c’est-à-dire avec la Russie, et ne témoigna qu’un faible intérêt au prince Radziwil.


« La situation embarrassante dans laquelle vous vous trouvez, écrivit-il à ce magnat, me fait de la peine, et je souhaiterais que vous n’eussiez aucun reproche à vous faire à cet égard ; mais les démarches auxquelles vous vous êtes porté ne pouvaient qu’entraîner les suites dont vous vous plaignez aujourd’hui, et qu’une conduite plus modérée vous aurait fait éviter. Il est dangereux de faire les premiers pas, qui, dans des circonstances pareilles à celles où le royaume de Pologne se trouve aujourd’hui, peuvent donner lieu aux plus grands inconvéniens. Le parti que vous avez pris de rassembler vos troupes et de les faire agir à Graudentz et dans plusieurs endroits contre vos propres concitoyens doit naturellement être regardé comme la première cause des troubles actuels de la république et de tout ce qui vous arrive personnellement à vous-même. Il est difficile de concilier les extrémités auxquelles vous venez de vous porter encore tout nouvellement avec les devoirs d’un citoyen envers sa patrie et avec les sentimens pacifiques contenus dans votre lettre. Dans ces circonstances, vous sentirez de vous-même que je ne saurais m’ingérer dans des affaires que vous vous êtes attirées, et qui sont d’ailleurs du nombre de celles dont ma qualité de voisin et d’ami de la république ne me permet pas de prendre connaissance. Il ne me reste, par conséquent, qu’à vous rappeler de nouveau les conseils que je vous ai déjà donnés dans ma précédente, et sur ce, je prie Dieu, etc.[1]. »


Rulhière, si confus dans la disposition de son sujet, si partial et quelquefois si peu conséquent avec lui-même dans l’appréciation politique des faits, a reproduit avec éclat le spectacle singulier que Varsovie présentait alors. Il a peint en coloriste ce mélange d’armes de toutes formes, d’habits de tous les pays : les Turcs, les Tartares, les Allemands, les Russes, remplissant les rues ; les hôtels des ambassadeurs changés en parcs d’artillerie. Il a retracé avec un égal talent, mais non sans quelques inexactitudes de détail, le jour de l’ouverture de la diète de convocation, où les avenues du sénat, les portes, les vestibules, les tribunes, l’enceinte même, se remplirent de soldats étrangers appelés par les Czartoriski, tandis qu’un vieillard vénérable, le comte Malachowski, montait au siège où il devait présider l’assemblée sous le titre de maréchal de la diète. Elle devait s’ouvrir à un signe de son bâton de commandement. Le signal ne fut pas donné. Le maréchal Malachowski resta immobile ; le général Mokranowski, nonce (député),

  1. Archives des affaires étrangères.