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secrets conventicules dans les lieux les plus cachés pour y lire la Biblen comme les premiers chrétiens se réunissaient dans les catacombes pour célébrer les mystères de la foi. Le prince Rakoutond, fils posthume de Radama et l’héritier présomptif du trône, est le chef de cette église naissante, qui, chaque jour, compte, dit-on, de nouveaux martyrs et de nouveaux adeptes ; mais, jusqu’ici, cette conspiration n’a pu entraver en rien la politique de l’état : malheur à quiconque éveille le soupçon de ce sombre pouvoir qui n’admet que des seïdes et des zélaleurs !

Quelle négociation tenter qui, de la part de ce pouvoir barbare, pût ne pas aboutir à l’outrage ? Le gouvernement de juillet n’aurait point pardonné au commandant de la station de l’avoir exposé aux insultes de la reine des Hôvas, dont il repoussait les prétentions à la souveraine de Madagasar L’amiral anglais, abusé sur les dispositions réelles du gouvernement hôva, vint, à la tête de quatre bâtimens de guerre, proposer un traité d’alliance entre la reine Victoria et la reine Ranavalou sa demande fut écartée tout d’abord. Il se borna alors à solliciter pour ses nationaux la liberté du commerce des boeufs, se soumettant, en signe d’hommage envers la souveraine de Madagascar, à payer une amende légère pour les coups de canon de Tamatave. Les insolentes prétentions de Ranavalou lui apprirent, mais trop tard, que la politique de Tananarivou repousse toute relation avec les Européens, comme si l’obstination féroce avec laquelle on maintient fichées sur des pieux, à la plage, les têtes des matelots anglais et français, ne révélait pas assez clairement les sauvages résolutions de ce gouvernement. Le commandant français refusa toute participation à ces inutiles tentatives. Ainsi fut déchiré, par les Anglais eux-mêmes, le pacte du sang versé en commun par la France et l’Angleterre à Tamatave ; ainsi furent maintenus dans toute leur intégrité nos droits sur Madagascar, et nous nous disposions à les faire valoir d’une manière digne de notre pays, quand le bouleversement de février retentit dans les mers de l’Inde. Qui eût pu croire que l’envoyé du gouvernement provisoire viendrait, après la leçon donnée à l’amiral anglais, s’exposer humblement aux dédains de la reine Ranavalou, et se faire signifier l’ordre de vider son territoire ? Ce n’était pas ainsi que la monarchie avait entendu la dignité de la France.


III

Dans les premiers jours de juillet, nous reçûmes à la fois l’ordre du gouvernement provisoire de proclamer la république, et la vague rumeur que l’assemblée nationale, dès sa première réunion, emportée comme un conclave qu’inspire l’esprit saint, avait, d’enthousiasme et