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à toutes les races noires de l’Afrique. Leur histoire rappelle l’histoire des Aztèques du Mexique. Venus de contrées lointaines, ils s’établirent d’abord au centre du pays sur un plateau de montagnes, au milieu d’un bassin naturel entouré de cimes élevées. Comme les Aztèques, ils fondèrent une ville qui devint la capitale de tout le pays : Tananarivou et les lacs de la province d’Ankôve rappellent Mexico et les lacs qui l’entourent ; l’empire hôva est au petit pied l’empire de Montezuma. Cet empire s’est formé sous nos yeux. Jusque vers la fin du siècle dernier, la province d’Ankôve n’avait offert qu’un spectacle de désordre et d’anarchie. Le peuple hôva, dominé par l’esprit de clan, tournait contre lui-même son ardeur belliqueuse. Ce n’étaient que querelles et combats de canton à canton, au caprice de ses chefs. En 1785, le chef du canton d’Imerne, où s’élève aujourd’hui Tananarivon, homme de tête et de main, vainquit tous ses voisins et les assujettit. Il disciplina les Hôvas, leur imprima le respect de son gouvernement, et en fit un peuple conquérant. Bientôt il déborda du pays d’Ankôve, soumit trois peuplades qui l’avoisinaient, se les assimila et en fit un royaume qu’il mena par des lois draconiennes, mais qu’il administra habilement et qu’il transmit bien compacte, en 1840, à son fils Radama. Ainsi fut constituée la nation hôva, et la reconnaissance publique a consacré par un respect presque divin la mémoire de Dianampouïne son fondateur. Sous Dianampouïne et Radama, la province d’Ankôve fut, pour Madagascar, ce que la Macédoine avait été pour la Grèce sous Philippe et Alexandre. Radama, politique et guerrier, continua l’œuvre commencée par son père : il eut une armée permanente, et toute sa vie se passa en expéditions militaires. Le roi des Hôvas se proclama roi de Madagscar. Les Anglais l’admirent dans leur alliance ; ils lui fournirent des armes, des instructeurs pour ses troupes et il osa abattre le drapeau français, qui, depuis Louis XIII, n’avait pas cessé de flotter sur la côte. Il mourut en 1828, à l’âge de trente-sept ans.

Sous Radama, tout Hôva était soldat ; c’était l’ère de la conquête : son gouvernement s’appuyait sur tous les ordres de la noblesse ; mais, pendant ce régime de force et de chevalerie grossière, il s’était passé des choses qui avaient blessé profondément les instincts du peuple Hova. Les Hôvas sont très superstitieux : la loi n’est encore, à leurs yeux, que la parole des dieux. Le souverain représente la divinité, les prêtres en sont les ministres, et leur influence repose sur ce qu’il y a de plus intime et de plus puissant chez certaines races supérieures : le sentiment religieux. Avec les armes de l’Angleterre, Radama avait laissé pénétrer dans son pays des missionnaires chrétiens, qui prêchèrent l’horreur des idoles et le mépris des prêtres des faux dieux. Le temps leur manqua pour convertir l’île au christianisme, mais ils soulevèrent des haines qui ne tardèrent pas à éclater sur leurs têtes.