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marquer qu’elle menait à la fois deux négociations et qu’elle avait deux politiques, nous ne disons pas opposées l’une à l’autre, mais séparées l’une de l’autre, se réservant sans doute de choisir définitivement celle qui réussirait le mieux. Elle avait une politique libérale, c’est-à-dire un système selon lequel l’unité de l’Allemagne, réalisée au profit de la Prusse, avait cependant une représentation populaire. La diète en effet, dans ce système, était divisée en deux chambres, celle des princes et celle du peuple. C’est en traitant avec les petits états que la Prusse essayait de faire réussir cette politique qui se sentait encore de l’année 1848 et des institutions essayées dans cette année tumultueuse. Nous avons montré quels obstacles ou plutôt quelle froideur progressive cette politique avait rencontrée dans les petits états. À la cour de Prusse, cette politique avait aussi ses adversaires, qui lui reprochaient précisément sa couleur de l’an passé et qui favorisaient l’autre politique.

Cette autre politique était de s’entendre avec l’Autriche, de renoncer à l’idée d’une hégémonie exclusive, idée impossible à accomplir depuis la réapparition de l’Autriche en Allemagne. Chose curieuse ! si la Prusse se servait de l’unité allemande et du parlement germanique, ces deux mot de 1848, dans sa négociation avec les petits états de l’Allemagne, l’Autriche, à son tour, se servait aussi contre la Prusse d’une institution de 1848, nous voulons parler du lieutenant-général de l’empire. ; On se souvient comment l’archiduc Jean fut nommé lieutenant-général de l’empire. Quand le parlement de Francfort se déchira et se dispersa, la Prusse, qui à ce moment prit en main la direction des affaires de l’Allemagne, la Prusse avait espéré que l’archiduc Jean donnerait à son profit la démission de sa lieutenance-générale. L’archiduc n’en fit rien et garda précieusement son titre. Le pouvoir lui manquait ; mais non le droit, et c’est ce droit qu’il n’a voulu abdiquer qu’entre les mains de l’Autriche et de la Prusse réunies, pensant sans doute que l’union de ces deux puissances représentait l’unité de l’Allemagne, dont il avait été lui-même pendant quelque temps la personnification.

Cette union, en effet, s’est faite, et une commission de direction, nommée par la Prusse et par l’Autriche, est chargée aujourd’hui de diriger les affaires de l’Allemagne jusqu’à la rédaction définitive d’une nouvelle constitution fédérative. Ce provisoire-là peut durer long-temps. Depuis l’établissement de cette commission, quel est vraiment l’état de l’Allemagne ? Quelle est l’attitude des divers partis, si la lassitude des esprits et le trouble des consciences permettent encore de croire qu’il y a des partis en Allemagne ?

Il y a encore en Allemagne un parti de l’unité ; mais cette unité tant rêvée et si malheureusement cherchée, où la mettre ? Comment la réaliser ? La Prusse se donne encore pour la protectrice de l’unité allemande ; elle entend cette unité comme on l’entendait à Francfort, et elle la réalisera, dit-elle, dans un parlement germanique dont elle veut, dès ce moment, préparer l’élection. Beaux projets ! mais ce parlement germanique qu’annonçait le pacte des trois rois, il n’y a plus déjà que la Prusse qui l’invoque. La Saxe et le Hanovre l’ajournent. M. de Radowitz, un des inventeurs et des plus éloquens défenseurs du juste milieu libéral que la Prusse essaie de créer, entre 1848 et 1849, ces deux années contradictoires, M. de Radowitz disait naguère en parlant de l’unité