Page:Revue des Deux Mondes - 1849 - tome 4.djvu/546

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

De l’azur infini perçant la profondeur,
Des sommets fréquentés ton front domine l’ombre.

Toi-même as eependant tes vallons ténébreux,
Et tu tiens par ta base aux régions impures
Où l’eau du ciel se trouble à laver nos souillures,
Où l’homme teint de sang un sillon douloureux.

Mais au-dessus de tous, belle vierge de neige,
Attirant le premier l’onde et les feux du ciel,
Ton front chaste et hautain garde le privilège
De porter l’invisible et l’immatériel.

Dieu pour trône, ici-bas, a pris ta blanche cime,
Seul séjour assez pur pour qu’il s’y daigne asseoir ;
C’est lui dans tes splendeurs qui m’apparaît ce soir,
C’est sa voix que j’entends sur ton glacier sublime.


II.


Tu portes, ô mon ame ! un sommet tout pareil,
Un glacier virginal plus haut que tous nuages,
Et qui, toujours, reflète un peu du vrai soleil.
Quand ta plaine assombrie est en proie aux orages.

Tu n’as que trop aussi d’infimes régions,
Noirs marais dont chacun cache une hydre rampante ;
Chemins à tout venant où la fange serpente,
Et qu’en troupeaux impurs foulent les passions.

Oui, ta vallée ouverte est basse, humide, obscure,
Ô cœur par les désirs, par l’ennui fréquenté !
Mais vous savez, mon Dieu, si l’humaine souillure
Jusqu’au sacré sommet a jamais remonté.

Parfois une vapeur sort d’en bas et le cache,
Je ne vois plus briller sa neige à l’horizon ;
Mais elle reste vierge, ô divine raison !
Ta splendeur reluira sur ce glacier sans tache.