Page:Revue des Deux Mondes - 1849 - tome 4.djvu/542

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

chaussure et sans saluer autrement qu’en portant leur main droite à la hauteur de la poitrine. Cela n’empêcha pas le serki de faire grand accueil aux voyageurs, et, sur la demande de Cheggueun, il accorda la vente des marchandises, se réservant seulement l’achat des draps moyennant un esclave par coudée, et, comme il n’avait pas assez d’argent, c’est-à-dire assez d’esclaves, le grand tambour de guerre fut battu dans la ville, et l’armée du sultan partit en chasse. Un mois après, elle revenait, ramenant une multitude d’esclaves, et, comme le sultan allait au-devant d’elle, le chef des musiciens improvisa ce chant :

« De tous les sultans qui vivent sur la terre, aucun ne peut faire face à la poitrine. Tu es l’ami du courage et l’ami des chevaux.

« Point d’ennemi qui puisse éviter ta flèche ; tu es un enfant du bouclier, le maître de forces sans nombre.

« Le but, qui pour les autres est loin, est près de toi.

« Ce que tu demandes à l’est et à l’ouest est à tes pieds.

« Il n’est pas de terre où celui qui fuit puisse éviter ta lance.

« Celui qui se réfugie près de toi est sûr de trouver protection.

« Tu fais baigner les pieds de ton cheval dans les eaux du Dimbou.

« L’oiseau peut voler du matin à la nuit, il faut qu’il se repose dans ton empire. »

Ainsi, comme on le voit, au fond de l’Afrique, au royaume des nègres comme au royaume des blancs, les puissans, qu’ils soient rois ou peuples, trouvent toujours des flatteurs. Les esclaves attendaient l’acheteur ; ils furent choisis, et trois jours, selon l’usage, furent donnés pour les cas rédhibitoires. Avant ce temps, on peut rendre :

« Celui qui se coupe avec ses chevilles en marchant ;

« Celui dont le cordon ombilical, est trop exubérant ;

« Celui qui a les yeux ou les dents en mauvais état ;

« Celui qui se salit, comme un enfant, en dormant ;

« La négresse qui a le même défaut ou qui ronfle ;

« Celle ou celui qui a les cheveux courts et entortillés (la plique).

D’autres esclaves ne sont jamais achetés ; tels sont ceux d’une race particulière, anthropophage, ou ceux appelés Kabines, qui passent pour avoir la puissance d’absorber la santé d’un homme en le regardant, et de le faire mourir de consomption. Leurs cheveux, tressés en deux longues nattes de chaque côté de la tête, les font reconnaître.

Tous les achats étaient terminés. Partie au mois d’août, la caravane se trouvait à Kachna au mois d’avril : c’était l’époque du retour, et tous avaient hâte de se remettre en marche. Dans toute cette longue route, nous retrouvons toujours Cheggueun, le conseil de tous, le bouclier des faibles et l’appui des forts. La surveillance des Nègres était de chaque seconde. Jusqu’au milieu du grand désert, l’œil du maître ne pouvait se fermer sur ses esclaves sans craindre qu’ils ne cherchassent à