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cuivre, du plomb et de l’ardoise, produits caractéristiques. Les précipices ouverts entre les sommets sont d’immenses puits sans issue. Souvent l’eau y tombe en cascades et tourbillonne au fond de l’abîme. Qu’on se figure le découragement des voyageurs lorsqu’après avoir gravi, avec les efforts les plus pénibles, au prix de privations et de souffrances de tout genre, les contre-forts qui soutiennent, du côté du rivage, ces terres élevées, ils se sont vus arrêtés par des abîmes perpendiculaires sur l’autre versant des pics qu’ils venaient d’escalader. Le lieutenant Daws n’eut même pas l’idée qu’il fût possible de les traverser. Après neuf jours de marche et neuf milles de chemin, il revint sur ses pas. Quelques mois après, un autre officier, le capitaine Tench, fit un essai pareil et éprouva un semblable désappointement. Le colonel Patterson ne fut pas plus heureux trois ans plus tard. À chaque expédition, le grade du voyageur était plus élevé, et l’insuccès du voyage plus éclatant. Le zèle des officiers de l’armée de terre étant demeuré infructueux, la marine se présenta pour tenter l’aventure. M. Hacking, quartier-maître, suivi de quelques compagnons, gravit la première chaîne, et, contournant les précipices, il atteignit les sommets opposés. Il croyait n’avoir plus qu’à descendre les versans occidentaux, lorsqu’il se trouva placé sur les bords de nouveaux abîmes, au-delà desquels d’autres pics plus nus, plus escarpés hauts de quatre cents pieds, se dressaient devant lui. Il revint donc en arrière. Après lui, M. Bass, chirurgien dans la marine royale d’Angleterre, aborda à son tour les Montagnes Bleues avec une résolution qui aurait dû lui assurer le succès. Armé de crochets de fer, il se hissa au sommet des pentes les plus abruptes. Les précipices ne l’arrêtèrent pas : il s’y fit descendre avec des cordes ; son courage n’eut d’autres limites que ses forces. Après quinze jours de fatigues et de périls inouis, il s’arrêta lorsque du haut d’un pic très élevé il aperçut, à la distance de douze à quinze lieues, une nouvelle chaîne tout aussi difficile à franchir. Son retour déconcerta les aventuriers les plus audacieux. Aucun d’eux ne se sentit capable de déployer plus de constance et d’intrépidité. C’était en l’année 1796. Il se passe bien du temps avant qu’un si périlleux voyage fût renouvelé.

En 1813, le hasard fit ce que n’avaient pu faire ni la bravoure, ni la force, ni la science. Deux colons découvrirent un passage à travers les montagnes, presque en face de Port-Jackson. Au-delà du versant occidental ils virent un pays ouvert, bien arrosé et offrant d’excellens pâturages. Cet événement assurait aux explorations une carrière immense. L’Australie a mille lieues de long sur une largeur moyenne de quatre cent cinquante. Le génie de l’intérêt ne pouvait manquer d’aiguillonner l’esprit de découvertes. Le flot de l’émigration volontaire et forcée qui, après s’être répandu sur la côte orientale, se heurtait depuis si long-temps contre la digue des Montagnes Bleues, se précipita avec une rapidité torrentielle par l’issue nouvellement ouverte. À peine eut-on descendu les rampes occidentales, qu’une ville, Bathurst, fut fondée. Ce fut le premier jalon de la civilisation dans ce désert.

Peu de temps après, M. Oxley, intendant de la colonie, parti de Bathurst, s’avança vers l’ouest. Sur sa route, le pays s’abaissait de plus en plus. Parvenu à une rivière considérable, nommée Lachlan, il reconnut que la contrée ne s’élevait pas, en cet endroit, à plus de six cents pieds au-dessus du niveau de la mer, tandis que les plaines où est située Bathurst sont à une hauteur