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statu quo, n’avait aucun secours à espérer du parti philosophique et littéraire qui lui était décidément hostile. Rousseau jeta depuis le poids de sa renommée dans la balance, mais l’intervention de Jean-Jacques dans les affaires intérieures de la nation polonaise est postérieure de près de dix ans à cette période de ses annales.

Fallait-il en appeler, à l’opinion populaire, à ces sympathies qui se sont manifestées de nos jours avec tant d’éclat ? Elles n’étaient pas encore nées. Malgré une bienveillance réciproque entre les deux peuples, on ne saurait raisonnablement les faire remonter au-delà de l’empire. Il y avait sans doute entre la Pologne et la France des affinités de service militaire : la haute noblesse des deux pays s’était même alliée quelquefois par des mariages, un prince français, des femmes françaises avaient porté la couronne des Jagellons, et, par un heureux échange, la fille d’un roi de Pologne était assise sur le trône de Louis XV ; mais ; sans compter qu’il ne pouvait y avoir aucun prestige, aucune popularité dans les noms du faible Henri de Valois, de l’indigne épouse de Jean Sobieski ou de la vertueuse et insignifiante Marie Leczinska, les relations des deux pays, bornées à l’aristocratie, n’étaient point descendues dans la bourgeoisie, bien moins encore dans le peuple, qui, en France, ne s’occupait pas de politique étrangère, et qui, en Pologne, n’existait pas.

Restaient donc le clergé et la cour ; mais le clergé français, en instance perpétuelle auprès du saint-siège, en lutte permanente avec les parlemens, n’était occupé que de lui-même ; ses regards ne s’étendaient pas jusqu’à Cracovie ou à Gnesne, et d’ailleurs l’esprit passionnément ultramontain de l’église polonaise touchait peu nos gallicans. La Pologne n’avait guère qu’un ami véritable en France, c’était le roi, c’était Louis XV. Il portait un intérêt réel à une nation dont il avait mêlé le sang avec le sien. Louis XV armait dans les Polonais les demi-compatriotes de ses enfans. Ennemi au fond de l’ame de l’impératrice de Russie, surtout du roi de Prusse, il suivit les affaires de Pologne avec une sollicitude dont sa nonchalance ordinaire semblait le rendre peu capable. Incertain sur le parti à prendre, il chercha des lumières dans ses deux conseils, l’un ostensible, l’autre secret. Il commença par celui-ci. La présidence en était confiée au comte de Broglie, ancien ministre de France à Varsovie. Exilé tantôt à l’armée, tantôt dans ses terres, M. de Broglie oubliait alors la Pologne et ses magnats pour se consacrer tout entier à un plan de descente en Angleterre.

Louis XV s’adressa alors à M. de Choiseul. Il trouva son ministre froid et indifférent sur les affaires du Nord ; nous avons expliqué les motifs de cette indifférence. Il y en avait encore un autre. Choiseul n’avait à cette époque aucun goût pour les Polonais ; il n’en parlait que d’une manière dédaigneuse et dénigrante ; il ne voulait pas se mêler