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Eh ! mon ami, tire-moi de danger,
Tu feras après ta harangue.

J’ajoute que nous sommes en ce moment trop loin ou trop près des faits accomplis, trop près pour en porter ce jugement impartial et définitif qui se grave dans la conscience des peuples, trop loin pour exercer une action quelconque sur les conséquences. La liquidation de cette désastreuse période est aujourd’hui terminée. On en voit clairement fortunes privées comme pour la fortune publique. Sans parler des pertes douloureuses qu’ont eu à subir les capitalistes, les propriétaires fonciers, les commerçans, les chefs d’industrie, les ouvriers des villes et ceux de l’agriculture, il en a coûté soixante-deux millions et demi de rentes qui vont s’inscrire, au rang des charges annuelles, dans le budget de l’état.

Laissons donc tout retour sur le passé, et ne nous détournons pas des difficultés que nous avons à résoudre. Elles sont assez grandes pour devenir l’objet d’une préoccupation exclusive et absolue. Nous avons à pourvoir aux exigences de la situation pendant l’année qui va s’ouvrir ; nous avons à poser en même temps les bases d’un état normal à préparer, sinon à rétablir, l’équilibre dans les élémens du budget, à dégager enfin l’ordre financier du désordre. Je prends cette situation telle que M. le ministre des finances l’a présentée. Je ne discute pas les chiffres qu’il a indiqués avec l’autorité de sa position officielle ; je les accepte, malgré quelques contradictions apparentes, comme le point de départ de la discussion.

M. le ministre des finances pose en fait que le total des découverts représentés par la dette flottante, au 1er janvier 1850, ne s’élèvera pas à moins de 550 millions[1]. Il évalue les dépenses tant ordinaires qu’extraordinaires de l’année 1850 à la somme de 1,591 millions, et comme les revenus de l’état, en calquant le budget des recettes de 1850 sur celui de 1849, ne lui paraissent pas pouvoir excéder la somme de 1,270 millions, il en induit un déficit de 321 millions, qui porterait l’ensemble des découverts, en règlement d’exercice, à 871 millions. — 871 millions, voilà donc la montagne financière à escalader ou à aplanir ! 871 millions ! c’est comme si, outre le budget républicain, nous avions à payer encore un budget de l’empire.

Les contribuables, qui sont présumés devoir fournir à l’état une ressource de 1,270 millions en 1850, trouveraient-ils dans leur revenu, lorsque les denrées se vendent mal et que le commerce et l’industrie battent d’une aile, les moyens de combler encore cette effroyable lacune de 871 millions ? Évidemment, on n’y peut pas songer. Quel que

  1. C’est l’évaluation que l’on trouve à la page 14 de l’exposé des motifs. À la page 192 du budget ; la dette flottante n’est plus évaluée qu’à 520 millions.