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dans la capitale, et la tranquillité de notre capitale en couvrant son pavé de cinq ou six mille jeunes gens sans famille. On dirait que nous nous sommes proposé de procurer à ceux de nos professeurs qui le désirent la faculté de transformer les chaires en tribunes de clubs, et nos étudians, les grands jours, le divertissement des barricades. Mais à ce séjour préféré de Paris est funeste à ceux qui étudient, que n’est-il point pour ceux qui enseignent ! Après les prélats et les abbés de cour, dont on s’est tant moqué, concevez, si vous pouvez, quelque chose de plus étrange que des gens qui, par leur profession, ont fait don de leur vie à la science, et qui mettent mentalement cette restriction, qu’ils la passeront cependant tout entière au milieu des distractions d’un grand centre ! Ce qu’ils y vont chercher, je le sais bien, c’est la facilité de s’y faire un nom, c’est un marche-pied vers les hautes dignités politiques. Qu’il nous soit permis de le dire, malgré tant d’illustres exemples qui l’autorisent, l’ambition (qui n’en est certes pas bannie) ne doit pourtant pas être l’unique mobile d’une corporation enseignante. C’est le dévouement, au contraire, qui doit en être l’ame. Si, par une idée dont on ne put contester la grandeur, le génie qui fonda l’Université en voulut faire une corporation et non point une simple branche d’administration hiérarchique, c’est précisément parce que, dans un grand corps, le point d’honneur collectif peut remplacer et modérer l’ambition individuelle. Qui dit enseignement de la jeunesse dit une sorte de sacerdoce, et qui dit sacerdoce dit sacrifice. Dans une corporation enseignante, par conséquent, les hautes dignités devraient être comme les dignités épiscopales dans l’église, qui vont chercher le mérite, mais ne doivent jamais être ardemment poursuivies par lui. Cela est difficile, je le sais, à la nature humaine ; peut-être même cela est-il impossible lorsqu’on a commencé par ôter les hommes à leurs liens naturels de famille, lorsqu’on ne leur donne jamais une place telle qu’ils puissent s’en contenter, et en faire, au sein de leur ville natale, le pivot d’une existence honorée, mais qu’on distribue tous les postes comme les degrés d’une échelle qu’il faut monter l’un après l’autre, et dont le sommet se trouve à Paris. Difficile cependant ou impossible, cette condition est nécessaire pour acquérir sur la jeunesse la moindre autorité morale ; cet âge y voit clair en effet, et ne se méprend pas sur le but des soins qu’on lui donne ; et chez quelques-uns de ceux qui lui enseignent la philosophie, par exemple, s’il vient à rencontrer un contraste trop frappant entre le culte officiel de la venté absolue et une ambition essentiellement contingente, c’est un trait qui n’échappe point à sa malignité naturelle.

Mais voici une conséquence plus grave encore. Depuis le dernier coup d’autorité exercé le février par Paris sur les départemens, et qui a véritablement comblé la mesure, nos départemens se plaignent