Page:Revue des Deux Mondes - 1849 - tome 4.djvu/407

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

préparés pour figurer avec honneur dans les professions de la société. Ils ont, avant tout, ce que d’Aguesseau souhaitait à son fils en le voyant revenir chargé de couronnes : ils ont appris à travailler, c’est-à-dire que leur volonté a appris à gouverner leur intelligence. Reste à savoir ce qu’ils vont faire de cet apprentissage du travail, la plus précieuse des acquisitions de la jeunesse, et dans quel sens cette volonté fortifiée va diriger cette intelligence éveillée.

Au-dessus de l’instruction secondaire, le décret de 1808, qu’on a appelé la grande charte de l’Université, pose une troisième instruction qu’il qualifie d’instruction supérieure. L’instruction secondaire se donne dans les collèges, l’instruction supérieure se distingue dans les facultés. L’instruction secondaire, dit toujours le décret, porte sur les études classiques, l’instruction supérieure sur les études approfondies.

Autant qu’il est possible de se rendre compte de ce que voulaient dire ces termes un peu vagues, l’instruction supérieure était destinée, dans la pensée du législateur, à apprendre aux jeunes gens quel usage ils devaient faire, pour la profession spéciale qu’il leur convenait d’embrasser, des connaissances générales, et plus encore de l’aptitude intellectuelle qu’ils avaient dû acquérir dans les collèges. Voilà des jeunes gens qui savent les élémens de ce que tout homme bien élevé doit savoir, dans quelque carrière qu’il s’engage. Ils ont pris part à ce fonds commun de lumières qui fait le lien et le charme de toute société polie. Il en faut faire maintenant des magistrats, des militaires, des hommes politiques, des directeurs de grandes entreprises et de grandes maisons commerciales, des avocats, des médecins. Leur esprit s’est développé : il faut maintenant qu’ils emploient l’instrument qu’ils ont aiguisé et poli. Une instruction spéciale, élevée sur une forte base de connaissances générales, éclairée par la saine philosophie des premières études, tel paraît avoir été le plan de l’instruction supérieure dans l’Université primitive.

Pour réaliser ce plan, des facultés ont été ouvertes, à savoir :

Des facultés de théologie, des facultés des lettres, des facultés des sciences, des facultés de droit, des facultés de médecine.

Le décret bornant là son énumération, et personne, depuis, n’ayant essayé de le pousser plus loin, force est bien de s’arrêter avec lui ; mais, à la réflexion, il est impossible de s’enfermer dans de pareilles limites. Quoi ! des prêtres, des savans, des avocats, des médecins, cette liste épuise toutes les professions d’une société civilisée au XIXe siècle ! En présence d’un mouvement politique qui a la prétention de faire de tous les citoyens d’un état des magistrats, sinon des souverains, en présence d’un mouvement industriel qui s’est étendu sur le monde avec les proportions gigantesques des grandes conquêtes d’autrefois ;