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à cette division entre l’éducation supérieure et l’éducation moyenne, non point d’après des catégories de naissance et de fortune, mais sur une inspection faite à temps de la capacité personnelle, on satisferait à toutes les exigences du principe démocratique sainement entendu. Ce point de vue ne pouvait manquer de frapper tant d’esprits éclairés, qui ont fait de l’instruction publique une de leurs plus chères préoccupations. Des hommes d’état, des hommes du métier, qui sont en même temps des gens du monde et d’affaires, ont dit à ce sujet, avec une autorité qu’on ne peut égaler, des choses admirables. Dès 1836, M. Guizot, dans l’exposé d’une loi sur la liberté de l’enseignement, la meilleure peut-être qui ait été méditée et qui, par malheur, n’a pas abouti, déplorait « cette perturbation qui jette un grand nombre de jeunes gens hors de leur situation naturelle, excite leur imagination sans nourrir fortement leur intelligence,… et répand ainsi dans la société une multitude d’existences inquiètes et déplacées, qui lui pèsent et la troublent. » M. Saint-Marc Girardin cherchait en Allemagne des modèles d’une éducation plus proportionnée aux intelligences et aux situations moyennes. Des établissemens de ce genre étaient essayés dans beaucoup de villes, sous le nom d’écoles primaires supérieures. Enfin, à la veille de la chute du dernier gouvernement, M. de Salvandy tentait, par un règlement nouveau, de faire dans le sein des collèges royaux eux-mêmes une ligne de séparation entre les sciences et les lettres, qui correspondait sans doute à quelque idée du même genre. Il est temps cependant de ne plus se borner à des regrets éloquens, à des recherches ingénieuses, à des essais timides : il faut réussir. La nécessité, le besoin d’une légitime défense, parlent haut. Nous essaierons de montrer pourquoi on a échoué jusqu’ici devant la vanité des pères de famille, et comment on pourrait à l’avenir parvenir à lui faire entendre raison.

Après tant de critiques que nous croyons très bien fondées, adressées à notre éducation publique actuelle, c’est avec joie que nous trouvons une occasion de lui rendre un sincère hommage. Si pour un grand nombre des élèves les études sont malheureusement nulles, en revanche, pour un petit nombre, elles sont fortes, saines et solides. Chaque année sort des collèges un petit nombre d’esprits bien faits, habitués à un travail sérieux, nourris dans l’étude de l’antiquité. S’il manque malheureusement quelque chose à la fermeté de leurs principes moraux, et surtout à la ferveur de leurs opinions religieuses, ils emportent du moins ces traditions d’un goût pur et cette franche admiration du beau, qui, faute de mieux, donne à l’ame le pressentiment et l’instinct du bien. Les premiers élèves de chaque collège, et surtout des collèges de Paris, sont incontestablement non-seulement de bons latinistes et des étudians de grec très passables mais des sujets déjà