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les faits à savoir, il en est de tellement connus ; que tout le monde les a appris sans étude ; il en est de tellement obscurs, que personne ne les sait sans érudition. Un examen ainsi dirigé a juste l’effet dramatique et la valeur morale du tirage de la conscription. Personne ne pouvant répondre de le passer tout-à-fait bien, personne non plus n’est parfaitement sûr de le passer tout-à-fait mal. Le tout est d’avoir un bon numéro. Tout dépend de la fortune d’un moment, de l’humeur d’un professeur et de l’assurance d’un élève. Que risque-t-on d’ailleurs ? manque-t-on la première fois, on peut se représenter le mois suivant. Avec un peu d’insistance, on est presque sûr d’en venir à bout. Refuser obstinément, cinq ou six fois de suite à un jeune homme ce grade qui lui ouvre l’entrée de toutes les carrières libérales, le condamner par cinq ou six sentences successives, souvent sous les yeux de ses parens, à s’entendre dire qu’il a perdu son temps et leur argent, c’est une rigueur dont les professeurs de faculté, dont le cœur n’est pas dur d’ordinaire, sont rarement capables. Un bachelier de plus ou de moins, cela ne fait de mal à personne, et cela fait tant de plaisir à quelques-uns ! Voilà comment nous avons si peu de bons élèves dans les collèges et tant de bacheliers ès-lettres en circulation dans la société.

Mais, le lendemain du grade obtenu, la scène est bien changée on a dans sa poche un diplôme qui vous déclare savant sous le grand sceau de l’état, et avec le contre-seing d’un ministre. Vous n’ôterez jamais de l’esprit des pères de famille que c’est là une lettre de change souscrite par la société, et qui doit être tôt ou tard payée en fonctions publiques. On se sent au fond incapable de se frayer sa route soi-même dans les professions libérales. Une fonction publique, cela est plus noble, plus simple, et surtout donne moins de peine : on a ses appointemens tous les mois ; qu’on fasse bien, qu’on fasse mal, bon an, mal an, on est toujours payé, et, si l’on vient à être destitué, on a la ressource de se poser en victime politique. La société qui a donné un diplôme doit une place, et, si le billet n’est pas signé à l’échéance, nous avons cette contrainte par corps qu’on appelle une révolution. Ne raillons point, la chose est trop grave. Il est évident qu’il y aurait de la part de la société envers la jeunesse véritable acte de charité, et de cette charité bien entendue qui commence par soi-même, à mettre de bonne heure un peu d’ordre dans cette confusion, à détourner des carrières et de l’instruction libérales ceux qui, véritablement incapables d’en tirer le moindre profit, n’y entrent que pour leur tourment et celui d’autrui. Il est évident qu’une éducation plus simple, meublant l’esprit de connaissances moins hautes, mais plus usuelles, ce qu’on a appelé, en un mot, l’éducation professionnelle, insuffisante pour tous les membres d’une grande nation, serait infiniment plus appropriée à la destinée d’un très grand nombre. Il est certain aussi qu’en procédant