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c’est à elle de donner à tous ceux qui entrent dans la vie la mesure des efforts qu’ils doivent faire pour pouvoir prétendre à de certains buts, et à la société elle-même la mesure de la valeur des prétendans. Nous concevons l’éducation publique disant à son début, d’une façon claire, au jeune homme ou à ses parens : Que voulez-vous faire dans la vie ? Quel est votre but, votre destinée, votre prétention, votre espérance ? Quand vous me l’aurez dit, je vous ferai connaître ce que vous devez faire, ce que vous devez être, ce que vous devez savoir, pour les remplir. Je vous dirai les chemins par où sous devez passer. Nous concevons ensuite l’éducation publique disant à la société, au moment où elle lui rend l’enfant devenu homme : Celui-ci est capable de telle chose, et celui-là de telle autre. Dans telles voies, ses prétentions sont légitimes ; dans telles autres, s’il entre, que ce soit à ses risques et périls. Sachez bien qu’à moins de ces développemens tardifs qui étonnent la nature, il n’ira pas jusqu’au bout. Nous voudrions, en un mot, tirer de l’éducation publique un puissant élément de règle pour le tourbillon au sein duquel s’opère le mouvement d’une grande société démocratique.

Comment l’éducation publique pourrait s’acquitter d’une si grande tâche sans gêner la liberté d’enseignement, c’est ce que nous tâcherons de faire comprendre par la suite, et nous prions ceux qui attachent un juste prix à cette liberté de ne pas trop s’en inquiéter par avance. À coup sûr, armée comme elle l’était du monopole, la chose eût été possible à l’Université de France. L’a-t-elle fait ? Tout en rendant justice à des tentatives isolées, qui n’ont pas été sans effet, nous craignons qu’elle n’ait jamais envisagé cette tâche en face et dans son ensemble, et que, sans s’en douter, elle n’ait travaillé précisément en sens contraire.

Figurez-vous, en effet, un enseignement qui, depuis son plus bas jusqu’à son plus haut degré, soit disposé pour faire naître l’ambition dans l’ame des élèves qui le reçoivent, mais une ambition vague, sans destination expresse ; un enseignement qui ne soit jamais mis en rapport ni avec la position au sein de laquelle un enfant est né ni avec la carrière qu’il doit parcourir, qui, par conséquent, ne s’accorde ni avec son état présent et connu ni avec son état futur et possible. Qu’après avoir fait appel aux plus délicates facultés de l’intelligence, et touché les cordes les plus sensibles de l’ame, cet enseignement s’arrête brusquement à l’entrée de la vie, abandonnant l’adolescent à lui-même le cœur gonflé d’espérance, la tête pleine de connaissances imparfaites, l’amour-propre en fermentation, l’imagination en campagne. Que cet enseignement à peu près universel soit couronné par des examens si légers, qu’un exercice mécanique de mémoire, l’audace d’un moment, le hasard souvent, suffisent pour s’en tirer à son honneur, et que par conséquence chaque année il fasse présent à la société de deux ou trois mille