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REVUE. — CHRONIQUE.

blico ont essayé d’organiser une sorte d’agitation légale : leurs plans ont surtout échoué devant les antipathies du groupe dont nous parlons. Il boude encore, mais il cherche évidemment à se rallier, et accepte en attendant, avec assez de philosophie des faveurs que fait pleuvoir sur lui l’administration du général Narvaez.

Il est fortement question à Madrid d’affermer le revenu des douanes. Ruineuse sous l’empire de l’ancien système douanier (car les fermiers trouvaient alors tous les premiers leur compte à faire la contrebande), cette mesure semblerait devoir offrir aujourd’hui de notables avantages. Les fermiers, ne pouvant plus compter désormais que sur leur bénéfice légal, chercheraient à l’étendre, et, comme l’intérêt particulier est beaucoup plus vigilant que l’intérêt public, quelques années de ce régime suffiraient pour discipliner le personnel des douanes, pour assurer et régulariser l’entière perception des droits. Ce n’est pas tout : le gouvernement, qui a besoin d’argent, soit pour éteindre des dettes ruineuses, soit pour subvenir à des dépenses productives, et qui ne pourrait emprunter aujourd’hui qu’à des conditions exorbitantes, trouverait des conditions équitables le jour où il pourrait offrir à une compagnie de capitalistes un gage sûr. Toutefois, si l’on y regarde de près, les inconvéniens de cette mesure l’emportent de beaucoup sur les avantages. On ne peut oublier le rôle qu’a joué l’esprit d’agiotage dans la plupart des troubles civils de la Péninsule : serait-il dès-lors prudent de mettre aux mains de quelques spéculateurs tout le personnel des douanes, c’est-à-dire un véritable corps d’armée ? Ajoutons que la compagnie concessionnaire, afin d’obtenir des conditions plus avantageuses lors du renouvellement de bail, aurait intérêt à dissimuler le chiffre réel de ses bénéfices, ce qui priverait en partie l’état de l’accroissement indéfini de revenu qu’amènera le nouveau tarif. Le gouvernement espagnol a prouvé, depuis dix-huit mois, qu’il voulait renoncer à la politique d’expédiens ; il a plus que jamais besoin ici de cet esprit de prévoyance auquel nous nous sommes plu des premiers à rendre justice.

Le projet d’expédition contre les Maures du Riff n’a pas encore eu de suite sérieuse, et cependant l’attitude de ces turbulens voisins des possessions espagnoles est de plus en plus audacieuse, la complicité de Muley-Abderrhaman de plus en plus évidente. Il est à regretter que, dans un moment où la France avait, elle aussi, à régler un nouveau compte avec la duplicité marocaine, les deux pays n’aient pas joint leurs griefs. Nous l’avons déjà dit, la France et l’Espagne ont dans le Maroc les mêmes intérêts à défendre, le même mauvais vouloir à combattre, les mêmes intrigues européennes à déjouer.



— Les théâtres lyriques, à moins d’une œuvre dramatique sérieuse que rien malheureusement ne fait prévoir, conserveront encore cet hiver la prééminence sur les théâtres littéraires. Déjà ils ont inauguré avec bonheur la saison, et, en attendant la prochaine réouverture du Théâtre-Italien, nous avons eu deux nouveautés piquantes à l’Opéra et à l’Opéra-Comique. La Filleule des Fées, que le premier de ces théâtre a donnée il y a peu de jours pour Mlle Carlotta Grisi, est un charmant ballet, quoique un peu long ; la musique de M. Adam et surtout la danseuse ont été parfaitement accueillies par le public. Mlle Grisi a déployé une grace, une légèreté et une souplesse qui font presque oublier sa célèbre