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mitié soient aussi nettement tracés par les circonstances et par la nature, par les intérêts et par les principes. Dans le cas particulier, du point de vue diplomatique, c’est un avantage d’à-propos dont nous réclamons le bénéfice. Puis donc que la question est toute de personnes, nous terminerons par une remarque sur les personnes elles-mêmes. N’est-ce pas un jeu assez curieux du hasard que ce débat soit survenu précisément sous le ministère du savant et judicieux appréciateur des institutions et de la société américaines à l’occasion d’un autre écrivain admirateur passionné de l’Amérique du Nord, et que l’opinion de ce pays tient pour un demi-Américain ? On se trouve par instant mis à de singulières épreuves dans ses amitiés ou ses admirations politiques. M Poussin aura reçu ainsi des siennes un fâcheux retour. On lui devra toutefois la justice de reconnaître qu’il a porté dans ses fonctions un zèle dont le commerce de la France aux États-Unis lui sait gré. Le différend dont il subit aujourd’hui la peine est même la preuve de l’activité persistante avec laquelle il se faisait le champion de l’intérêt de ses nationaux.

— Nos possessions du nord de l’Afrique sont, depuis quelques mois, le théâtre d’événemens qui ne manquent pas d’une certaine gravité. La province de Constantine, jusqu’alors si tranquille, vient d’être troublée par la révolte de quelques tribus, tant au nord qu’au sud. Ces désordres seront promptement réprimés ; mais il est pourtant curieux de dire quelles en sont les causes et quelle est la gravité de la situation. La tranquillité n’est pas la soumission, et c’est là la grande erreur de la France à l’égard de la province de Constantine. Une moitié de la population, les Arabes, nous sont soumis ; les autres, les Kabyles, ne reconnaissent que d’une manière nominale l’autorité de la France. Cette province, enfin, renferme de grands feudataires auxquels les populations obéissent, et qui nous paient directement un tribut. Ben-Asdin, l’un d’eux, dont l’autorité s’étendait sur le pays connu sous le nom de Zouaga, qu’il maintenait sous sa domination, comme autrefois les barons féodaux leurs fiefs, avec six cents cavaliers bien équipés et bien armés, eut, au printemps de cette année, des difficultés avec l’autorité française. Ces difficultés devinrent assez graves pour que M. le général Herbillon crût devoir sortir avec une colonne. Il en eut bientôt raison, et Bou-Lakrass, un des parens de Ben-Asdin, fut nommé chef du Zouaga à sa place ; mais, au lieu de s’appuyer sur les influences de famille et de tente, il continua le système de Ben-Asdin, qui, retiré dans la montagne, ne cessa pas d’inquiéter par ses courses les populations. Bou-Lakrass, d’un caractère timide et peu énergique, n’était pas l’homme de la situation. Il eût fallu un homme vigoureux pour lutter avec Ben-Asdin. Le remplacement de Bou-Lakrass était devenu nécessaire. Pourtant M. le général de Salles, nommé au commandement de la subdivision de Constantine, hésitait encore à prendre un parti. Ces délais ont singulièrement aggravé le les affaires dans le nord de la province, et bientôt on allait ressentir de ce côté le contre-coup de l’agitation des Ziban, ce pays dont Biskara est le chef-lieu. Ces troubles avaient pour origine une faute de l’autorité française. M. le commandant de Saint-Germain, de si regrettable mémoire, avait été emmené, on ne sait trop pourquoi, par M. le général Herbillon, dans son expédition contre Ben-Asdin. Pendant ce temps, le cercle de Biskara avait été laissé aux soins de M. Dubousquet, chargé des affaires arabes. Cet officier était loin de