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n’y voyons rien à redire ; puisqu’ils ont appris que cette entente amicale peut servir la prospérité de la république américaine. Nous ne doutons point pourtant qu’ils n’aient plus de satisfaction à entretenir la même amitié avec un pays où ils trouvent la communauté des principes unie à celle des intérêts. C’est pourquoi la durée des relations cordiales de la France avec l’Amérique du Nord nous semble suffisamment garantie. Que cette réciprocité de bons procédés, si naturelle et si facile entre elles, soit quelquefois altérée par de légères contestations de circonstance, cela reste cependant possible. Les circonstances de la vie extérieure d’un peuple sont infinies, les manières d’envisager les moindres intérêts varient autant que les personnes qui en font charge ; des discussions surviennent. Entre pays qui ne veulent point être en de mauvais rapports, on y porte d’ordinaire un cordial esprit de conciliation avec toutes les hautes convenances de langage qui sont de tradition et de devoir en diplomatie. Ces incidens passagers ne sont ainsi qu’une occasion internationale de se prouver la considération et la courtoisie que l’on se doit mutuellement. S’ils prenaient un autre caractère, ce ne pourrait être que la suite de malentendus réparables, de mouvemens non assez réfléchis, qui auraient un peu trop percé dans les formes. Il se pourrait d’ailleurs que l’irritation produite par les expressions d’une susceptibilité de part et d’autre non assez savamment réservée, fût le fait des intermédiaires plutôt que celui des gouvernemens eux-mêmes. De cette sorte, la question aurait encore moins de gravité ; dès l’instant où elle serait portée directement devant les deux cabinets, les causes de cette irritation sans fondement réel auraient bientôt disparu, elle serait elle-même promptement oubliée. Ainsi le pensait M. de Tocqueville, comme l’indique clairement la note qu’il adressait au ministre des États-Unis à Paris, à la suite de la contestation très vive qui s’est élevée entre le secrétaire d’état américain, M. Clayton, et M. Poussin.

M. de Tocqueville, tout en réservant la question d’intérêt commercial, qui était l’occasion du débat, avait fait, avec toute la convenance des formes, la part des circonstances et des personnes. D’ailleurs, avec l’accent très vrai de la sincérité, il en appelait de ce malencontreux incident aux sentimens de confiance réciproque qui inspiraient précédemment les rapports des deux pays. À la vérité, M. de Tocqueville n’avait pas mis tous les torts du côté de M. Poussin, et, à notre avis, c’était justice. Il est difficile de penser cependant que ce fût une raison suffisante pour le secrétaire d’état, M. Clayton, de répondre à ces avances par des considérations trop manifestement opposées à ces sentimens de conciliation auxquels M. de Tocqueville avait fait appel. Ce n’est point, en diplomatie, un fait rare de voir un gouvernement témoigner à un autre telle ou telle répugnance à entrer ou à rester en communication avec tel ou tel agent ; mais eût-on à exprimer la volonté absolue de ne le point accueillir ou de rompre avec lui personnellement il y a des formes de confiance amicale ou de convenance réservée auxquelles assurément M. Clayton eût pu recourir, sans cesser pour cela d’être un excellent patriote américain. Quoi qu’il en soit l’incident a trop le caractère d’une pure question de personnes pour laisser dans l’esprit des hommes d’état quelques craintes. L’attitude nécessairement amicale des deux pays dominera toujours des contestations d’un genre aussi peu international. En définitive, il n’y a point au monde deux états dont les rapports d’a-