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LES BABOUCHES DU BRAHMANE.




Tous les navigateurs qui fréquentent la côte de Malabar connaissent le petit port d’Alepey, dans les états du radja de Travancore. C’est bien l’un des points les plus étranges et les plus curieux du littoral de l’Inde. Qu’on se figure, à quelques pas de la plage sablonneuse, une plaine verdoyante et fraîche, arrosée par de charmans canaux. Ces rivières en miniature sont coupées d’une multitude de ponts de bois fort élégans et sillonnées de pirogues sans nombre, les unes si légères, si effilées, qu’un homme peut à peine s’y tenir debout ; les autres spacieuses, décorées à la proue de sculptures fantastiques et portant à la poupe de jolies cabines qui les font ressembler à des gondoles. Le long de ces canaux, qui vont se perdre dans la profondeur des bois sont rangées très irrégulièrement des habitations de toute espèce. Ici, des magasins bariolés de peintures et chargés de boiseries travaillées avec beaucoup d’art offrent aux regards les plus riches tissus de l’Inde ; là s’élèvent de vastes greniers, qui exhalent au loin l’odeur vive et pénétrante des épices dont ils sont remplis ; puis ce sont des huttes faites de feuilles de palmier, pauvres cabanes qui se cachent au milieu de la plus opulente végétation. De places, de rues, il n’y en a point, mais seulement des sentiers qui se croisent, se mêlent, s’allongent sous les cocotiers ou s’arrêtent tout court devant une pagode ; On se croit tantôt dans un bazar, tantôt dans une forêt, tantôt dans un parc ; on est au milieu de la ville, qu’on la cherche encore. Du côté de la mer, des processions