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Funera ; nec, quum se sub leges pacis iniquae
Tradiderit, regno aut optata luce fruatur :
Sed cadat ante diem mediaque inhumatus arena.

Lord Falkland, voyant le roi ému de cette prophétie de hasard, prit le volume en riant, et promit d’y trouver le démenti ; il l’ouvrit sur ce vers du neuvième livre : « Je t’ai averti, mais en vain. » La mélancolie de Charles redoubla. D’autres fois, quand ses amis les pus fermes désespéraient de sa cause, il s’y cramponnait avec une religieuse confiance. Après les défaites de Marston-Moor et de Naseby, Rupert lui donna le conseil de traiter à tout prix avec le parlement ; Charles lui écrivit : « Si j’avais une autre querelle que la défense de ma religion, de ma couronne et de mes amis, vous auriez pleinement raison. Comme chrétien, cependant, je dois vous dire que Dieu ne souffrira point que des rebelles prospèrent ou que cette cause soit détruite quelle que soit la punition personnelle qu’il lui plaira de m’infliger rien ne m’arrachera une plainte et ne me fera encore moins déserter la lutte. » Puis, à la veille ou au lendemain des plus grands désastres, lorsqu’on le croirait déchiré des angoisses les plus terribles, il s’oublie avec une insouciance bien digne du roi des cavaliers dans les plus pacifiques amusemens. Deux jours avant la bataille de Naseby, au moment où il allait se heurter aux avant-postes de Fairfax, la plupart de ses officiers et lui chassaient. Après cette bataille, qui détruisit son armée, il se réfugia dans le grand vieux château du marquis de Worcester, Ragland-Castle. Le fidèle et généreux marquis l’y reçut avec la plus magnifique splendeur de l’hospitalité féodale. Toute la noblesse du pays de Galles vint former une cour autour du roi fugitif. « Là, dit Walker, sa majesté demeura trois semaines, et, comme si le génie de ce lieu eût conspiré avec nos destinées, nous nous y endormîmes dans les fêtes ; on eût dit qu’il n’y avait point de couronne en jeu et en péril d’être perdue. »

La fortune commença de devenir contraire à Charles Ier lorsque sa femme Henriette-Marie le fut venue rejoindre. Dans l’oraison funèbre de cette princesse, Bossuet, ce héros de la parole, a exprimé en une phrase d’une divine délicatesse l’empire attrayant qu’elle exerça sur l’ame aimante de Charles : « Ce grand Dieu avait préparé un charme innocent au roi d’Angleterre dans les agrémens infinis de la reine son épouse. » Le grand évêque se faisait illusion : ce fut un charme fatal. Henriette-Marie était de la race des reines fascinatrices et funestes dont furent Marguerite d’Anjou et Marie Stuart, dont a été Marie-Antoinette. Elle avait le grand cœur d’une fille d’Henri IV, l’esprit faux et brouillon d’une fille de Marie de Médicis. Elle était vaillante et légère. Elle était pleine de graces, et portait malheur à qui l’aimait. Elle servit bien Charles tant qu’elle resta en Hollande ; elle lui envoya officiers,