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vaincu. Peut-être attendez-vous maintenant que, par manière d’usage, je vous excite à être cruels ; mais, nobles gentilshommes et soldats, si je faisais cela, j’oublierais moi-même que je suis un ministre du prince de merci et un sujet du plus miséricordieux des rois, dont la douce et gentille nature étant aimée et admirée de nous tous, aussi nous devons nous efforcer de l’imiter. Et je bénis Dieu de ce que je n’ai jamais parlé encore ce langage de tuerie, de massacre et de destruction dans lequel les ministres du parti rebelle sont si experts. Je n’ai jamais osé exciter les hommes à se battre pour le sang. L’esprit de l’Evangile n’est point un esprit sanguinaire. » Le prédicateur concluait en recommandant aux cavaliers la clémence, en les exhortant, à ne pas jurer, et à punir les blasphémateurs d’amendes, avec lesquelles il les engageait à procurer des soulagemens aux pauvres prisonniers rebelles Quel contraste avec les déclamations forcenées de la plupart des prédicans têtes-rondes ! En lisant cette noble définition du cavalier, je me ressouviens de ce gentilhomme français du XVIe siècle, « dont les faits et la parole avoient toujours cheminé par un chemin, qui n’eust jamais intelligence ny amitié avec les ennemis du roy son maistre, » et ne demandait qu’à mourir « avec ceste belle robbe blanche de fidélité et loyauté. »

Les puritains étaient plus fanatiques, ils n’étaient pas plus religieux que les cavaliers. Ils avaient la déclamation et le jargon de la piété, le rant et le cant. M. Warburton leur attribue l’origine de ce mot odieux, qui fut d’abord le nom de deux de leurs plus furibonds théologiens. Ils souillèrent leur cause par d’impies sacrilèges ; ils profanèrent les églises avec une brutalité d’iconoclastes ou de musulmans. Quelquefois, sous ces vieilles nefs gothiques envers lesquelles l’Angleterre est demeurée si pieuse, ils baptisaient des chevaux en moquerie. Dans plusieurs églises, ils ouvrirent les tombes et jetèrent au vent les ossemens des morts. À Sudeley, ils firent du sanctuaire un abattoir, coupèrent des carcasses de bœufs sur la sainte table et en jetèrent les tripes dans la voûte de Chandos. Dans la glorieuse abbaye de Westminster, sous les yeux du parlement, les soldats s’asseyaient sur l’autel, buvant et fumant. Partout ils brisaient les vitraux coloriés, renversaient ou mutilaient dans leurs niches les saints de pierre, mettaient les orgues en pièces pour en vendre les matériaux, ou les transportaient dans les tavernes pour la musique de leurs orgies. Les chefs s’enrichirent des dépouilles des églises sir Arthur Hazelrig s’empara d’une si grande quantité de biens ecclésiastiques, qu’on l’appelait l’évêque de Durham. Cependant les têtes-rondes allaient au feu en chantant des psaumes. Les cavaliers, avec moins d’affectation, priaient aussi avant le combat. Un de leurs chefs, sir Jacob Astley, prononça à la bataille d’Edgehill une des plus belles prières qui soient jamais parties d’un cœur de soldat : « Ô Seigneur, s’écria-t-il, tu sais combien je vais avoir