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comme engagée, refusa de grandes alliances l’affaire tomba par le refus définitif de Rupert. C’était le beau temps du règne de Charles Ier, celui où il gouvernait sans parlement, partant sans soucis. Sa cour, animée par la vivacité française d’Henriette-Marie, nageait dans un tourbillon d’élégantes intrigues de charmantes frivolités, d’amusemens et de fêtes ; elle était, au témoignage de Bassompierre, une des plus belles d’Europe pour les femmes. Quoique le brillant duc de Buckingham eût été tué, plus d’un seigneur, formé à son école, eût pu passer pour fort honnête homme à Paris, comme ce comte de Holland, qui fixa quelque temps la pétulante duchesse de Chevreuse, et, au rapport du cardinal de Retz, « l’entretint dans les affaires. » Des poètes gentilshommes, comme Suckling, Waller, Lovelace, mêlaient à ce gai tapage les fusées de l’esprit. C’est sous l’éclat de cette heure riante, entre une chasse et un bal masqué, que de si galans modèles durent laisser leur image sur les toiles de Van Dyck. De ces plaisirs, celui que préférait Rupert était la chasse. Il chassait comme il chargeait l’ennemi, avec furie. Un matin, en partant pour la chasse avec le roi, il dit qu’il voulait s’y casser le cou, afin de laisser ses os en Angleterre. C’était bien de l’amour aussi pour l’Angleterre ; cependant il la fallut quitter.

Sa famille était à la tête des intérêts protestans en Allemagne ; elle avait perdu, dans la guerre de trente ans, ses possessions héréditaires. La guerre continuait. Quand Suédois, Hollandais, Allemands, Suisses, Français se canonnaient et s’arquebusaient sur ce champ de bataille cosmopolite, des palatins ne pouvaient tirer pacifiquement le daim dans le parc de Richmond. Rupert partit pour la Hollande afin de lever quelques troupes et de tenter une expédition sur le Palatinat. Son Frère et lui réunirent un petit corps de trois ou quatre mille hommes. Avec cette bande, écumée dans les débris de vingt armées, ils se mirent bravement en campagne. Leur dessein était d’aller joindre dans le Hanovre les Suédois de Banier. Malheureusement, ils tombèrent dès leurs premiers pas sur un corps d’armée autrichien. La discorde se mit parmi les condottieri. Quelques-uns refusèrent de donner, les autres ne purent supporter le choc des impériaux. Rupert, en voyant l’ennemi, ne savait que se battre ; il chargea au plus épais avec son régiment, rompit les Autrichiens, mais fut bientôt enveloppé et pris. Il fut remis à la garde du colonel Devereux, l’officier qui avait tué Wallenstein. L’empereur Ferdinand III le fit enfermer dans la forteresse de Lintz. Pour lui donner la liberté, on exigeait que Rupert se convertît au catholicisme : il refusa. Sa captivité fut d’abord sévère. Personne n’approchait de lui. Il ne pouvait s’accouder sur un parapet pour voir couler le Danube sans être suivi de deux hallebardiers et de douze mousquetaires. Mais les prisons des héros sont toujours romanesques.