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main un minimum certain de 5 pour 100, et de l’autre son contrat avec les forfaiteurs de l’exploitation, qui élèvera ce chiffre à 6 un quart ou 6 et demi pour 100. Or, la rente ne rendant que 5 trois quarts, on pourra préférer une valeur industrielle si solidement garantie. La compagnie n’aurait que des actionnaires et serait affranchie de toute cette complication bâtarde d’obligations entées sur des actions. Cette combinaison évite à l’état, en présence du déficit, le déboursé de 15,500,000 francs qu’il donnait comme subvention et qu’il gardera pour en faire le remboursement le jour où il aura besoin d’un attrait pour une affaire plus difficile à réaliser que celle de Paris à Avignon. Elle évite encore à l’état le déboursé de 24,000,000 pour la traversée de Lyon en admettant que cette évaluation ne fût pas dépassée.

Mais ce n’est point à une économie de 39 millions que se borneraient les avantages de la combinaison qui nous occupe. Nous voudrions encore que la compagnie financière se charge de suppléer à l’emprunt de l’état. Elle le pourrait en effet sans inconvénient pour elle-même. Une simple condition dans l’appel de ses actions lui en fournirait les moyens. Elle n’aurait qu’à déclarer le montant de ses actions de 500 francs exigible, 100 francs en souscrivant, et le solde de 400 francs en huit paiemens de 50 francs chacun, exigibles de mois en mois depuis le 1er avril prochain jusqu’au 1er décembre inclusivement. Faute d’emplois, l’argent est si abondant, que de pareils versemens ne seraient pas trop rapprochés. Ce qui s’est passé lors du dernier, emprunt du gouvernement en est une garantie : chacun voulait anticiper ses versemens ; l’empressement fut tel que deux fois le trésor dut fermer son guichet. Le public pourra hésiter à prendre une action ; mais, l’action une fois prise, il aura hâte d’en acquitter le montant. On suppose bien d’ailleurs que l’état empruntant trouverait l’argent à ces échéances ; comment la compagnie aurait-elle plus de difficulté à l’encaisser, ses actions offrant un plus grand attrait que la rente ? Eh bien ! sur son capital de 260 millions réalisé, la compagnie pourrait verser entre les mains de l’état, contre bons du trésor, 200 millions, remboursables par quart du 1er juillet 1851 au 1er décembre 1854. La compagnie garderait 60 millions pour les travaux des dix-huit premiers mois, et se servirait, pour le paiement des travaux suivans, des bons du trésor s’échelonnant en échéances successives, bons que les forfaiteurs s’engageraient à accepter au pair.

Cette combinaison ne nuirait pas à la compagnie ; au contraire, elle la dégagerait de la concurrence que pourrait lui faire l’état en cherchant son emprunt. Quant au gouvernement, les avantages considérables qu’elle lui offrirait sautent aux yeux. Elle lui épargnerait l’inconvénient d’écraser le marché d’une nouvelle demande de 200 millions ; elle lui permettrait de ne point surcharger le grand-livre ; elle lui procurerait de l’argent à 5, au lieu de 5 trois quarts ou 6 pour 100 ; elle lui épargnerait une perte de 35 millions le jour où l’on voudrait rembourser ou amortir. On objectera, nous le savons que cette combinaison ne fait pas faire l’emprunt, qu’elle augmente les bons du trésor, qu’elle ajourne la difficulté, au lieu de la résoudre. La réponse est facile. L’augmentation des bons du trésor n’est pas un danger, puisqu’ils seraient reculés à de telles échéances, qu’ils ne sauraient donner d’inquiétude. Quant à l’ajournement de la difficulté, qui pourrait ne pas le regarder aujourd’hui comme un bénéfice assuré ? Un répit de trois ans peut-être, n’est-ce rien, quand le présent sort à peine d’une longue prostration, et que l’avenir, dans la situation où nous