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BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.

Les Ducs de Bourgogne, Études sur les lettres, les arts et l’industrie, pendant le quinzième siècle, par M. Léon de Laborde[1]. — L’historien des ducs de Bourgogne, M. de Barante, nous a sans nul doute présente le tableau le plus fidèle des mœurs publiques et des habitudes privées des peuples de l’Europe centrale du XIVe au XVIe siècle, Tout étendu que soit son livre, tout complet qu’il paraisse, il présente cependant quelques lacunes. Les grandes fêtes populaires, les cérémonies publiques, les entrevues des souverains et des princes, leurs noces, leurs funérailles, les ambassades, les tournois et pas d’armes, y sont décrits avec une laborieuse et attrayante minutie. Comment se fait-il donc que tout un côté de ces cérémonies ait été laissé de côté, et que l’art qui présidait à ces pompes, et qui sous ces princes intelligens et magnifiques, avait élu domicile non-seulement dans l’atelier des peintres, des verriers et des imagiers, mais aussi dans la boutique de l’orfèvre et du ciseleur et près du métier du brodeur et des tapissiers, comment se fait-il que l’art, particulièrement en ce qui touche à son histoire intime, ait été complètement mis en oubli ? L’historien nous apprendra, par exemple, que, lors des conférences de Lelinghen entre les ducs de Bourgogne et de Lancastre le premier fit au duc anglais de magnifiques présens, consistant surtout en beaux tapis de Flandre, comme on en faisait alors seulement dans les états du duc. Ces tapis représentaient, pour la plupart, des histoires de la Bible à grands personnages ; d’autres figuraient le roi Clovis ou Charlemagne avec les douze pairs de France. Il y en avait deux dont l’un offrait l’image des sept Vertus avec les sept rois ou empereurs vertueux, l’autre les sept Vices, avec les rois et empereurs qui s’en étaient souillés. Tous ces ouvrages étaient rehaussés de bel or de chiffre. Une autre fois, M. de Barante nous racontera que, pour l’anniversaire que le duc Jean-sans-Peur célébra à Paris de sa victoire sur les Liégeois, il commanda à Arras cinq grandes tapisseries rehaussées d’or et d’argent représentant les principaux événemens de cette guerre, si glorieuse pour lui. Nous apprenons par là qu’il y avait dans les Flandres des tapisseries historiques, analogues de nos peintures historiques ; mais des artistes qui exécutaient ces beaux ouvrages, du caractère de leurs compositions et des procédés d’exécution, pas un mot. — Quand le boucher Legoix, en 1411, fait une sortie de Paris et va brûler le magnifique château de Bicêtre, que le duc de Berry avait passé sa vie à embellir, l’historien nous apprend que rien n’était plus magnifique que cette demeure, surtout pour les peintures. On admirait particulièrement le portrait du pape Clément, de plusieurs empereurs d’Orient et d’Occident, de beaucoup de rois et de princes français. Les plus habiles peintres du temps disaient qu’on n’en pourrait trouver de pareils ni mieux faits. Quels étaient donc ces artistes auteurs de ces belles peintures ? quels étaient leurs appréciateurs enthousiastes ? M. de Barante ne nous fait pas connaître le nom d’un seul d’entre eux, et ne hasarde même pas une seule conjecture à leur égard.

Ce sont ces oublis qu’un de nos plus ingénieux archéologues M. Léon de Laborde, s’est proposé de réparer, ce sont ces lacunes qu’il tente de combler.

  1. Un volume in-8o, chez Crapelet. Paris, 1849.