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tentés de faire, il s’est lancé à la poursuite de l’ennemi. Combien est-il revenu de ses soldats partout victorieux ? Le quart à peine, et en quel état ! Le reste jonchait de cadavres les sentiers presque impraticables et les défilés couverts où les avait entraînés la fuite continuelle de l’ennemi. Certes, nous n’établissons aucune comparaison entre les soldats français et les soldats portugais ; nous voulons seulement faire remarquer que ces derniers ont disparu dans leur victoire même.

Ce premier résultat d’une expédition dans l’État Oriental est tellement évident ; que personne n’oserait le contester. — Mais nous ne sommes pas seuls : — on nous promet des auxiliaires et des alliés. — On joint d’abord à notre drapeau la garnison de Montevideo, dont les données officielles élèvent le chiffre à 2,810 hommes. Ces soldats, qui sont-ils ? Au premier rang, nous comptons 430 Orientaux, puis 560 nègres, 1,000 chasseurs basques, la légion italienne de Garibaldi, forte de 400 hommes, enfin 420 étrangers sans nom formés en deux bataillons. Ainsi, c’est avec l’appui de 430 nationaux seulement que nous allons abattre le pouvoir reconnu et accepté par l’universalité des provinces de la république ! Et le reste de ces auxiliaires n’existe qu’en violation du droit des gens, car jamais les gouvernemens n’ont autorisé ces hommes à servir sous une bannière étrangère leurs armes, ils ne les ont reçues qu’en portant un audacieux défi à la loi internationale, leur drapeau, qu’en reniant le drapeau de leur patrie. Et voilà les frères d’armes que l’on prétend donner aux soldats de la France ! Quoi ? nos régimens, l’appui de notre société, nos glorieux soldats, dernier orgueil de la France par leur esprit de discipline, confondus dans Montevideo avec les routiers de Garibaldi, avec les hommes des barricades de juin ! Ce sciait un crime que bientôt sans doute la Providence ferait retomber sur le cœur de la France Non, les vapeurs de l’abîme ouvert sous notre patrie ne monteront pas au cerveau des hommes qui ont voix dans les destinées du pays au point de les aveugler sur les dangers d’une telle politique. Que dirions-nous si la Russie avait soudoyé de son or et soutenu de ses armées la démonstration polonaise du 15 mai contre l’assemblée nationale ?

On nous promet encore un autre auxiliaire c’est la terreur dont sera frappée l’armée d’Oribe à l’apparition de nos régimens. Sans doute le renom de notre brave armée est prestigieux dans l’univers ; mais ce serait le compromettre étrangement que d’aventurer ainsi nos soldats dans un désert, comme si le pantalon garance devait renouveler les prodiges de la veste de Mahomet le prophète. Et nous ne nous arrêtons pas tout court dans celle voie de chimères ! À ce signe, le Brésil doit envoyer une armée d’invasion contre la République Orientale ; un soulèvement général des états de la confédération argentine menace Rosas d’une ruine complète. L’Entre-Rios est prêt, Santa-Fé n’attend plus que le mot d’ordre, Corrientes est en émoi, enfin le Paraguay fait déjà marcher une armée de vingt mille hommes contre l’affreux tyran que depuis vingt ans les populations maintiennent à leur tête, on ne sait trop pourquoi, peut-être pour se frapper elles-mêmes du fléau de Dieu, et dont elles s’obstinent à renouveler légalement le pouvoir dictatorial tous les cinq ans.

Venons au fait, de l’effroyable tempête qu’on nous montre ainsi grondant à l’horizon lointain des pampas. — Le Brésil a déclaré officiellement qu’il entend resté neutre dans tout ce qu’on pourrait tenter contre Buenos-Ayres, et qu’il