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EXPÉDITION PROJETÉE À MONTEVIDEO.

L’assemblée nationale va bientôt voter sur une nouvelle demande de subsides en faveur de la ville de Montevideo. Jusqu’ici, la commission chargée d’examiner cette proposition n’a guère appelé dans son sein que des partisans déclarés de l’intervention armée. On pousse à la guerre. Sans doute on ne va pas jusqu’à proposer une expédition contre Buenos-Ayres : le souvenir de la funeste campagne de 1807, de cette belle armée anglaise réduite à capituler et à mettre bas les armes dans la ville, même, révèle assez les difficultés de l’entreprise. On se borne à une opération sur l’État Oriental. Qu’on jette dans Montevideo quelques milliers de nos soldats, et cela suffit.

Il faut nous rendre un compte exact de l’état des choses. Depuis plusieurs années, on le sait, le général Oribe bloque Montevideo. Il a sous les murs de la ville un corps d’armée de huit mille hommes, parmi lesquels on compte deux mille deux cents Argentins auxiliaires, le reste est compose entièrement de soldats orientaux. Jamais il n’a songé à enlever d’assaut cette place, qui, de même que toutes les villes espagnoles, renferme autant de forteresses qu’il y a de cuadras, c’est-à-dire d’îles de maisons D’ailleurs, la division navale de la France la domine et soutient la garnison. Oribe s’est contenté de l’isoler complètement du continent. Il renouvelle là ce qu’ont fait au siège de Grenade les Espagnols, quand, tenus en échec par les Maures, ils bâtirent sur l’emplacement de leur camp la ville de Santa-Fé ; il a construit une seconde ville extérieure où il s’est fortement retranché, et qu’il a armée d’une centaine de canons de divers calibres. À l’exception de Montevideo, tous les districts de la république l’ont reconnu pour leur président légal Il a réuni autour de lui les grands pouvoirs de l’état, le sénat, les représentans du peuple et les tribunaux du pays En un mot, il a réduit Montevideo, dans la République Orientale, au rôle de Gibraltar en Espagne. Gouvernement et administration fonctionnent avec la plus grande régularité. Les revenus consistent en droits de douanes prélevés sur tout ce qui entre dans les ports de la république ou qui en sort, et sur les chevaux et le bétail qu’on transporte dans la province de Rio Grande. Notre blocus a concentré dans le pays une quantité considérable de chevaux et de bœufs c’est la richesse des habitans. Outre son armée de siège, Oribe tient encore la campagne avec une cavalerie, nombreuse, composée des milices de tous les districts, et que les tableaux officiels font monter à onze mille deux cents hommes, plus deux mille six cents Argentins que le général Rosas, son allié, entretient comme contingent de guerre.

Que fera le général Oribe en face d’une armée française ? Si l’expédition est assez considérable pour le déloger de la forte position qu’il occupe au Cerro devant Montevideo, il ne nous attendra pas : il lèvera le siège et battra la campagne, faisant partout le vide devant nous. Ainsi, nous nous trouverons en présence d’une vingtaine de mille hommes, tous montés et parfaitement habitués a escamoûcher et a fuir su ce sol accidenté, couvert d’arbustes, coupé de rivières et de ruisseaux Les poursuivrons-nous ? Il nous faut de la cavalerie, car, que pourrait l’infanterie contre ces insaisissables gauchos ? Rappelons un fait : le général Aleman, sorti de Montevideo avec 6,000 Portugais des plus belles troupes de la Péninsule, a fait précisément ce que nous pourrions être