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« Le renard, qui vit de rapine et de maraude, et dont l’homme ne peut tirer parti pour l’embellissement du globe, le renard, race infime, condamnée à disparaître un jour de la surface de la terre, peut se marier sans qu’il en résulte un grand mal pour l’humanité, et il se marie précisément pour nous apprendre à détester le ménage familial et morcelé, source de tous les vices et de toutes les misères.

« Le ménage morcelé et le renard ont pour eux les moralistes hypocrites, qui ne manquent pas de jeter la pierre au chien, à raison de son cynisme et de la brutalité scandaleuse de ses amours, mais je réponds pour le chien aux moralistes que la fidélité conjugale dont se targue le renard n’est que l’apanage des natures inférieures, et que l’influence de la papillonne n’a jamais terni l’éclat d’aucune grande renommée masculine ou féminine, au contraire : témoin Alcibiade, Aspasie, Salomon, Charlemagne, François Ier, Henri IV, Louis XIV, Catherine et Ninon. »

Qui s’attendrait à trouver ces grotesques immoralités dans l’Almanach du Cultivateur et du Vigneron ? Supposons un jeune cultivateur lisant cette apothéose du libertinage, dont le type idéal est, selon l’auteur, le chien ou le roi Salomon ; qu’en pensera-t-il, s’il y comprend quelque chose ? Nous espérons fort qu’il ne voudra pas prendre modèle, pour ses mœurs, sur sa basse-cour, et qu’il se contentera de son ménage, au risque d’être d’une nature inférieure à son coq et à son chien ; mais que dire des livres faits pour les campagnes et qui reproduisent ces honteux dévergondages du fouriérisme ?

Dans l’almanach dont nous venons de citer quelques pages, le mal n’est qu’à la fin et comme introduit par mégarde : dans beaucoup d’autres, le calendrier lui-même, dès le commencement, se trouve gâté. On sait qu’il y a dans notre pays des gens qui se sont fait de 93 une religion. L’Almanach du Nouveau-Monde, qui paraît sous l’invocation de M. Louis Blanc, et l’Almanach de l’Ami du Peuple, par M. Raspail, appartiennent à cette église de 93 ; aussi le calendrier républicain y est soigneusement reproduit. M. Raspail même fait remarquer combient la convention avait eu raison de substituer « à ces noms de saints si souvent apocryphes ou si peu dignes de cette place le nom d’une plante à semer ou à récolter, d’un instrument d’agriculture et d’un animal domestique. Ainsi, nous sommes aujourd’hui jeudi, selon le style vulgaire, au 13 décembre ; mais nous sommes, selon le calendrier de l’Almanach du Nouveau-Monde, le 22 frimaire, duodi, bruyère ; demain ce sera tridi, roseau ; après demain, quartidi, oseille, et enfin quintidi, grillon. Nous ne concevons pas qu’on n’ait pas adopté une mesure si simple de désigner les jours, et nous ne concevons pas surtout que le gouvernement provisoire, en 1848, n’ait pas décrété l’usage de ce calendrier.

Il est vrai que le gouvernement provisoire était un gouvernement réactionnaire « Le 28 février 1848, dit M. Raspail dans son almanach, parut le second numéro de l’Ami du Peuple. Je dénonçais à la nation la marche contre-révolutionnaire du gouvernement provisoire. Le jour même, les exploiteurs du peuple dirigèrent toutes leurs batteries contre moi. Les républicains du lendemain et les faux républicains de la veille tentèrent de m’accabler sous le poids de leurs calomnies et de leurs menaces. Je fus insensible, à tous ces bruits du dehors : j’avais rempli un grand devoir, j’étais en paix avec ma conscience ; mais mes