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polémique des montagnards : « Nous voulons pouvoir attaquer le gouvernement par tous les moyens possibles et tourner contre lui ses propres agens ; mais nous ne voulons pas que le gouvernement se défende, nous ne voulons pas surtout que, s’il a des agens fidèles, il puisse s’en servir contre ses agens infidèles. » M. d’Hautpoul n’a pas eu de peine à réfuter cette théorie absurde et dangereuse, et il l’a fait avec une vivacité et une fermeté d’expressions qui ont produit un grand effet sur la majorité. Des discours de ce genre-là font beaucoup pour l’entière réconciliation du gouvernement et de la majorité. Comme M. d’Hautpoul a vu le bon effet qu’il produisait sur la chambre, il a voulu, en homme politique, en profiter tout-à-fait et achever la victoire ; il a parlé de la résolution du ministère de marcher dans les voies de la majorité en termes décisifs, et comme il fallait l’alliance étroite qu’il faisait avec la majorité pour la défaite complète des orateurs de la montagne, le succès a été complet.

Cette discussion, qui a rendu à la gendarmerie l’hommage qu’elle mérite si bien ; et qui lui a donné en même temps, et d’une manière éclatante et solennelle, grace aux interpellations de la montagne, l’encouragement dont l’administration tout entière a besoin en France pour remplir ses pénibles devoirs, cette discussion n’est pas la seule qui, dans cette quinzaine, mérite d’être mentionnée. Il est une discussion et une loi plus importante que nous devons signaler à l’attention publique, parce que c’est une loi qui commence la réforme que nous souhaitons depuis si long-temps de nos institutions électorales. Nous voulons parler de la loi qui permet le vote à la commune.

Nous avons bien lu que cette loi était la première brèche faite au suffrage universel, et beaucoup de personnes, même parmi nos lecteurs, ne manqueront pas de croire que ce qui nous plaît surtout dans cette loi, c’est le coup qu’elle porte au suffrage universel. Nous avons peu de goût il est vrai, pour le suffrage universel, et nous croyons que c’est un mauvais procédé électoral ; mais nous croyons qu’il en est du suffrage universel comme de la république qu’il en faut faire l’expérience et la faire loyalement. Or, la meilleure manière, selon nous, de bien faire l’expérience du suffrage universel, c’est de le rendre aussi réel que possible. L’idée fondamentale du système est que tout le monde doit voter, parce que tout le monde a droit. Nous n’admettons pas cette idée ; nous croyons, nous, qu’il n’y a de droit que quand il y a une capacité suffisante pour exercer ce droit, et nous voyons que sur ce point les docteurs su suffrage universel sont de notre avis, sans le dire, puisqu’ils excluent les femmes du droit de voter, et qu’ils les traitent comme dans quelques-uns des États-Unis on traite encore les esclaves. De l’autre côté de l’Atlantique, on refuse aux esclaves toute participation aux droits politiques, parce que la différence des couleurs équivaut pour eux à la différence des sexes. Eh bien ! pour nous, la différence de raison et de capacité équivaut le la différence des sexes et des couleurs ; mais nous laissons de côté cette discussion théorique pour revenir au principe du suffrage universel, qui est que tout le monde doit voter. Si tout le monde doit voter, il s’ensuit que le vote à domicile, s’il était possible, serait le meilleur et le plus juste ; si le vote à domicile n’est pas possible, le vote qui dérange le moins le citoyen de son domicile est le meilleur, et par conséquent quiconque aime le suffrage universel doit approuver le vote à la commune.