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des deux branches de la maison de Bourbon qui a déterminé la révolution de février. Nous ne voyons pas quel grand honneur se feraient les légitimistes, s’ils parvenaient à prouver que ce sont eux, qui ont renversé la monarchie de juillet pour y substituer, la république de février ; mais nous nous hâtons de dire que, selon nous, les légitimistes sont fort innocens de la chuté du trône de juillet et de l’avènement de la république. La monarchie de juillet a été renversé par un coup de main, et ce coup de main a été si imprévu et si rapide, que la bourgeoisie a laissé tomber le régime qu’elle devait le plus défendre. Les légitimistes n’ont été pour rien dans le coup de main, et, quoique nous nous souvenions que M. de Larochejaquelein a dit quelques paroles pour s’opposer à la régence, que proclamait M. Odion Barrot cependant ces paroles n’ont eu aucun effet. Si M. Ledru-Rollin et ses amis n’avaient pas, à ce moment, fait entrer leur peuple pour disperser l’assemblée désarmée et délaissée, nous sommes persuadés que la régence eût été proclamée. Cette proclamation eût-elle arrêté le torrent ? Nous ne le croyons pas ; nous sommes convaincus que les dangers de la régence ne seraient pas venus des insurrections du parti légitimiste mais des insurrections du parti républicain et socialiste

Est-ce à dire, à notre sens, que le parti légitimiste n’a contribué en rien à la révolution de février ? Non. Il a contribué aux causes de la révolution de février, mais il n’a pas contribué à l’événement. Le parti légitimiste a une grande force négative. Ce qu’il ne soutient pas est faible ; mais il n’a pas la force d’impulsion qui renverse. Il faut, selon nous, l’avoir pour soi tous les jours ; mais on peut sans danger l’avoir contre soi les jours de révolution. Il fait un grand vide là où il n’est pas, il ne fait pas une grande force là où il est aux jours de crise ou d’épreuve. Il ressemble de ce côté-là à la bourgeoisie. Il laisse tomber plus de gouvernemens qu’il n’en renverse. Le parti légitimiste peut se reprocher d’avoir affaibli la monarchie de juillet ; il peut, s’il veut, s’honorer de cet affaiblissement, mais il ne peut ni se repentir ni se vanter de la chute de cette monarchie.

N’ayant rien fait pour renverser cette monarchie, peut-il faire quelque chose pour la relever ? Non. Selon nous, il peut la soutenir une fois relevée, il ne peut pas la relever Et ce que nous disons du parti légitimiste, nous le disons également du parti orléaniste et de la bourgeoisie. La chute de la royauté n’a pas été un des effets du schisme entre la branche aînée et la branche cadette ; la restauration de la royauté ne peut pas non plus être un des effets de la réunion des deux branches. Cette bonne intelligence, qui est le vœu de tous les bons citoyens, pourra faire le salut de la monarchie rétablie, elle n’en fera pas la renaissance ; elle pourra la faire durer, elle ne la ressuscitera pas, et voilà dans quel sens nous disons que les événemens feront l’union des deux branches mais que l’union des deux branches ne fera pas les événemens.

Nous avons tout lieu de croire que les réflexions que nous venons de faire ont été faites depuis long-temps par les hommes les plus importans des deux partis et par les chefs des deux branches de la maison de Bourbon. Le roi Louis-Philippe particulièrement, avec la profonde connaissance qu’il a des hommes et des choses de son temps, n’a jamais ni hâté ni éloigné l’idée d’une réunion que les événemens seuls peuvent faire et que les volontés ne peuvent guère réaliser. Elles peuvent seulement s’y préparer. La famille d’Orléans a