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se croyaient en droit d’imprimer, d’afficher, de crier toutes les folies qui leur travers le cerveau, qui étaient bien convaincus de la vérité de toutes les idées ou velléités d’idées qui leur arrivaient au réveil, que faisaient-ils autre chose, sinon appliquer les idées de M. Proudhon Ils usaient de leur droit d’initiative, ils agissaient révolutionnairement, ils s’imposaient au gouvernement, et substituaient leur spontanéité au mécanisme gouvernemental ; Pourquoi donc M. Proudhon les flagelle-t-il ! Encore une antinomie, encore une contradiction. Ou bien, par hasard, est-ce que le seul but que M. Proudhon se propose est de rire de tout, même de ses doctrines et des faits qui mettent ses doctrines à l’épreuve ? On dirait presque que c’est là, son unique but. Pourquoi donc M. Proudhon si moque-t-il de tous ces pauvres gens naïfs, de tous ces sauveurs de la patrie, qui n’avaient que le tort d’être des sots et des ignorans ? Serait-ce parce qu’ils n’étaient pas savans et qu’ils n’aimaient pas à rire comme lui ? Mais M. Proudhon lui-même n’a-t-il pas nié le droit des héros et des grands hommes ? ne réserve-t-il pas le droit d’initiative aux plus humbles et aux plus simples ? N’importe, sous l’homme à système, sous l’apôtre de l’égalité, comme sous le prédicant de fraternité, toujours la nature véritable se montre, le mépris des simples d’esprit et l’orgueil du pacha intellectuel.

Nous sommes donc bien et dûment convaincus par M. Proudhon de n’être que des ombres, des masques, des fantômes : « Mais patience, s’écrie-t-il, un autre monde va s’élever, un monde réel cette fois, plein de vie et de force ! » Voyons un peu ce monde ? Comme il faut attendre que l’ancienne société soit détruite pour qu’à sa place une nouvelle société s’édifie, dites-nous un peu comment vous vous figurez ce nouvel univers ? C’est ici que la mystification est complète. Savez-vous ce que nous propose M. Proudhon pour remplacer ce monde des fantômes ? Le monde des atomes ; oui, des atomes, renouvelé d’Épicure, de Démocrite et de Gassendi ! Son fameux système n’est pas autre chose. Encore, le monde du néant et du chaos, où, à la place de fantômes et d’esprits, flottent au hasard les institutions et les peuples !

Jamais personne n’a essayé de débrouiller ce que M. Proudhon appelle son système. Voici le sommaire de cette doctrine, dont le premier mot est anarchie, et le dernier, néant, chaos : — Mise en pratique du principe de liberté ; libre essor de l’initiative individuelle ; — négation des entraves sociales qui s’opposent au développement absolu de cette initiative, négation qui emporte avec elle l’idée d’autorité ; — négation des droits qui limitent cette libre initiative dans les relations de l’homme avec l’homme, important en même temps que l’idée socialiste d’association les institutions sociales tout entières, c’est-à-dire les lois pénales, les lois de protection qui règlent les rapports d’inférieur à supérieur, le pouvoir, de l’homme sur l’homme, etc. ; — par