Page:Revue des Deux Mondes - 1849 - tome 4.djvu/1072

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

suite au fait, l’action. Une semblable manière de faire passerait inévitablement pour grossière dans notre pays. On ne peut contester cependant que l’avantage ne soit du côté des Anglais.

La position géographique des ports relativement à Londres et la rapidité des moyens de transport contribuent puissamment, à la régularité du service, maritime en Angleterre. Quelle rapidité d’action résulte d’un télégraphe électrique dont une des extrémités est dans le cabinet du secrétaire de l’amirauté à Londres et l’autre extrémité dans celui du chef du service maritime de Portsmouth ! Et bientôt les autres ports vont jouir du même avantage. En cinq heures, un membre de l’amirauté peut aller dans le port le plus éloigné s’assurer si et comment les ordres sont exécutés. Quelque péremptoires que soient les ordres, on ne peut nier que la rapidité et la régularité dans l’exécution sont souvent, pour une cause ou pour une autre, en raison inverse du temps qu’ils mettent a parvenir, de la distance qu’ils ont à franchir, et de la rapidité avec laquelle celui qui les transmet peut venir s’assurer de l’accomplissement du fait. Là est encore un avantage incontestable de la marine anglaise, que nous ne pouvons contre-balancer, et qui pèse d’un grand poids dans les différences entre les deux services.

Une autre de ces différences qui aide puissamment à la régularité et à la rapidité de l’administration, c’est que les employés anglais reçoivent une solde presque triple en moyenne de celle que reçoivent les employés français. Si le budget y perd, le service y gagne sensiblement, car en Angleterre le zèle et l’activité sont tarifés ; ils sont en raison directe de la rémunération qu’on en tire.

Faut-il signaler encore une autre différence qui est toujours à l’avantage des Anglais ? Elle ressort de leur esprit calme, posé, silencieux. Leur administration, si je peux m’exprimer ainsi, n’a pas besoin de faire du bruit. Habitués dès l’enfance à se soumettre à la loi, sachant attendre, ils s’aperçoivent moins des entraves obligées qu’apportent les formalités légales. On sait qu’elles sont nécessaires au bien de l’état, du public, comme ils disent ; on s’y soumet sans murmurer. Pourrions-nous astreindre notre pétulance à cette soumission, et saurons-nous jamais cesser nos plaintes, qui deviennent la source de funestes incriminations ?

Les différences entre les modes de comptabilité des deux pays diminuent successivement, parce que les Anglais compliquent leur comptabilité. Ils ne cherchent point à nous imiter ; en marine, leur amour-propre ne le souffrirait pas. Pourtant ils y sont conduits par la force des choses ; ils suivent la pente que nous avons suivie ; ils pourraient la descendre aussi bas que nous. Ils y tendent.

Après l’administration, à son égal même, le génie maritime a été récemment l’objet des plus vives attaques. On l’a taxé d’incapacité ; on