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des systèmes. On en a essayé plusieurs ; celui qui existe aujourd’hui est le résultat de l’expérience acquise sur tous les autres : c’est peut-être le seul bon côté de cette diversité. Cette instabilité des systèmes, ces fluctuations, ces essais infructueux n’ont pas toujours été l’œuvre de la marine ; les anciennes chambres pourraient revendiquer une grande part de cette responsabilité. Une chose seule doit donc étonner, c’est que la marine ait pu résister à toutes ces vicissitudes, et qu’elle en soit sortie aussi efficace qu’elle l’est aujourd’hui. Et si elle n’a point pris le développement qu’elle aurait voulu, qu’elle aurait pu prendre, c’est dans cette mobilité de projets ; d’institutions diverses qui, la plupart, lui ont été imposées, qu’il faut en chercher la cause.

Comme toutes les choses inconnues ; la marine a été l’objet de récriminations injustes. On a appelé mystère l’ignorance, bien naturelle d’ailleurs, où chacun était de ses ressources et de ses besoins. Ce qui est mystérieux comporte la défiance et le soupçon ; l’exagération suit de près. Il en est résulté que, récemment à l’assemblée nationale, la marine s’est trouvée en cause bien plus comme un coupable qu’on va juger que comme une administration sur le mécanisme de laquelle le doute public a besoin d’être éclairé, et qui demande elle-même à s’assurer les moyens d’atteindre des perfectionnemens qu’elle désire et appelle de tous ses vœux.

Après les discussions qui ont eu lieu à l’assemblée, l’impression mauvaise qui dominait n’a pu que s’accroître ; les soupçons funestes déjà par trop répandus n’ont pu se dissiper en présence de ce dédale de petits projets plus ou moins mûris, de petites accusations plus ou moins justes, de petits faits plus ou moins vrais, tous exagérés, présentés par divers orateurs. Aussi, l’enquête, résultat de la discussion, paraîtrait-elle à bien des gens destinée autant à rechercher des coupables qu’à préparer les moyens d’améliorer l’administration d’un service nécessairement si compliqué, le plus compliqué de tous ceux qui sont sous la direction immédiate du gouvernement. Aux yeux du public, les dénégations isolées de l’honorable M. de Tracy, alors ministre de la marine, et du savant M. Charles Dupin, n’ont pas suffi pour détruire les assertions apportées à la tribune ; le regrettable silence gardé si patiemment par les hommes compétens n’a fait qu’ajouter à la force des allégations vraies dans quelques parties, mais toutes excessives, de certains orateurs, la plupart inspirés par des influences subalternes, dont ils traduisaient même incomplètement les pensées.

On a fait ressortir des irrégularités de détail inhérentes à toute administration ; on les a grandies au gré de l’imagination de chacun, puis on a dit, ou, qui pis est, on a laissé soupçonner qu’il y avait de grands coupables, que la grandeur et les intérêts de l’état étaient méconnus : d’où la nécessité d’une enquête ; on l’eût appelée volontiers