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de Szégédin. La situation était critique, et, comme il était difficile de distraire de l’armée du prince et de celle du ban des forces assez considérables pour répondre de la ligue de la Theiss, le ban proposait que l’on donnât des armes aux Serbes campés sur la Theiss ; ceux-ci promettaient leurs bras. L’orgueil du prince Windischgraetz se refusait à croire que l’armée impériale eût besoin du concours de ces barbares : il laissa les Serbes abandonnés à leurs seules ressources ; ces ressources leur suffisaient pour rester maîtres chez eux, mais non pour prendre l’offensive contre les Magyars. L’armée magyare put donc passer tranquillement la Theiss.

Pendant que la cause de l’Autriche était ainsi compromise par ses propres serviteurs, que faisait le général Dembinski ? Il travaillait ardemment de concert avec Kossuth à remettre l’armée hongroise en état de reprendre l’offensive. M. Kossuth réservait au général polonais le commandement en chef ; quoique celui-ci, par un juste pressentiment, craignît, en acceptant cet honneur, de blesser la susceptibilité des généraux magyars. L’armée était tellement disséminée, qu’elle ne présentait nulle part une masse de douze mille hommes. Quinze jours après son entrée au service, Dembinski avait concentré cinquante-deux mille hommes. Dans les premiers jours de février, on le mit à la tête d’un corps composé des divisions Kepassy et Klapka. Comme aux beaux temps de notre première révolution, à côté du général en chef, on plaça un commissaire du gouvernement, le député Szémeré. Ici commence une série d’événemens militaires et politiques, où apparaissent dans tout leur jour l’inexpérience des chefs magyars et les passions hostiles de quelques-uns d’entre eux à l’égard des généraux polonais. L’histoire du mois qui va s’écouler est en résumé, dans sa forme la plus précise, l’histoire des Polonais dans la guerre de Hongrie. Toutes les difficultés que Bem rencontre en Transylvanie à essayer d’une politique de conciliation entre les Valaques et les Magyars se reproduisent pour Deminski, lorsqu’il veut obtenir quelques concessions pour les Slovaques et les Serbes. Dembinski touche même bien plus vite, à l’écueil ; les questions personnelles se mèlent aux questions politiques ; il devait fatalement échouer.

Après avoir communiqué aux autorités suprêmes siégeant à Debreczin le plan qu’il se proposait de suivre, Bembinski fit jeter deux ponts sur la Theiss, l’un pour la division Klapka, vers Tokay, l’autre pour la division Kepassy, près de Laek, positions situées au nord du pont fortifié de Szolnok, où les impériaux avaient leur point d’appui. On se trouvait en face du brave Schlik, le plus rude batailleur de l’armée autrichienne. Celui-ci ne jugea point à propos d’accepter le combat ; il se retira dans les défilés de Sajo, après s’être laissé faire quelques prisonniers.