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dans la pensée du gouvernement. Aussi long-temps que la stabilité de l’empire partit dépendre du dévouement des Slaves, on les combla donc d’honneurs et de promesses ; sitôt que l’on put croire la Hongrie vaincue, on se hâta de leur montrer la défiance que leur ambition inspirait.

Le ban de Croatie avait été, à l’origine de la guerre, nommé commandant militaire de la Hongrie, et l’éclat de ce haut rang conféré au chef des Croates inspirait alors à ceux-ci une grande ardeur pour les intérêts de l’empire. Dès que Jellachich arriva sous les murs de Vienne, la cour se hâta de lui faire savoir qu’elle le tenait pour le sauveur de l’empire. Cependant il ne fut point nommé au commandement en ciel de l’armée qui assiégeait Vienne. Le prince Windischgraetz, auquel ce titre fut conféré, vint trouver le ban de Croatie sous sa tente, et lui renouvela l’expression des sentimens de la cour ; il lui déclara qu’étant sur un terrain germanique, en présence d’une ville allemande à réduire, on avait regretté de ne pouvoir le mettre, lui, général slave, à la tête de ce siége. Le prince ajouta toutefois que du moment où l’armée impériale serait rentrée en Hongrie, Jellachich reprendrait le rang qui lui était acquis par ses éminens services, et que lui, prince de Windischgraetz, ne serait plus que le lieutenant du ban de Croatie. Lorsque les armées impériales eurent soumis Vienne, et qu’il fut question de pénétrer en Hongrie, les choses commencèrent à changer de face ; Jellachich ne fut point rétabli dans son commandement en chef. Loin de lui faciliter les moyens de se renforcer de ces élémens de slavisme sur lesquels il exerçait alors une si souveraine attraction, l’on s’étudia, sous mille prétextes, à désorganiser l’armée qui faisait sa puissance. On lui enleva ses régimens croates, pour les remplacer par d’autres qui ne fussent point de nationalité slave. Comme s’il eût été suspect, on voulait lui ôter le pouvoir et la tentation de l’indépendance. Jellachich était trop pénétré de l’intérêt que les Slaves avaient à rester, dans ces graves conjonctures, attachés à la maison d’Autriche, pour avoir la pensée de lui causer des embarras. Il poussait cette conviction jusqu’à un désintéressement qui lui a valu, outre le titre de chevaleresque, quii a reçu des dames de Vienne, le surnom réprouvé d’impérial (kai-serliche), qu’il tient des libéraux.

Il était difficile que les peuples slaves, dont l’imagination était ardemment émue, et qui n’écoutaient que les conseils de leur juste impatience, comprissent, comme le ban de Croatie, les défiances que l’Autriche lui témoignait. Il était à craindre qu’ils ne vissent, dans l’attitude réservée du cabinet et dans la résignation prudente de Jellachich, une double trahison. C’est ce qui eut lieu. Le cabinet et le ban perdirent, aux yeux des peuples slaves, une partie de leur prestige. Ce grand concours de volontaires qui accouraient, de toutes parts sous les