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anarchiques ; il voyait avec douleur celles qui compromettaient la situation que, dès le temps des premiers conflits constitutionnels entre l’Autriche et les Magyars, on eût par prévision, essayé de l’engager dans les entreprises de M. Kossuth, le vieux général avait refusé d’encourager, par sa présence à Pesth une rupture entre la Hongrie et l’Autriche. Sauf l’idée exagérée qu’il se faisait de la force et de la jeunesse de la race magyare. Dembinski ne s’était donc point jusque-là trop écarté du vrai. Au reste, s’il se trompait en un point, il se trompait de la meilleure foi du monde. Le trait saillant de son caractère, c’était une incontestable sévérité de convictions. Officier dans les légions polonaises qui servirent la France, rentré dans ses foyers en 1815, il mena jusqu’en 1831 une vie d’étude et de travail. Il se distingua dans la guerre de 1831, et il passa dans l’émigration avec le renom de l’un des plus hardis généraux qui eussent pris part à cette belle campagne. En France, tout en prêtant une attention très suivie aux événemens, il s’était épris de passion pour les arts mécaniques, et avait beaucoup sacrifié au goût des inventions ingénieuses. Quand la révolution européenne survint, il était occupé du perfectionnement des ventilateurs. Sa première pensée fut de se rendre dans la Pologne prussienne. Il fut un des principaux promoteurs du congrès conservateur de Breslau, et se distingua dans toutes les circonstances par une infatigable opposition aux menées anarchiques de la Société démocratique de Versailles. Il avait formulé quelques propositions pour le congrès de Prague sans y prendre part. Deux de ces propositions frappèrent vivement l’assemblée, et elles méritent d’être connues, parce qu’elles définissent assez bien l’esprit qui a inspiré toute la conduite de ce général dans les affaires d’Autriche. Il demandait : 1o que le congrès prononçât qu’il y a parfaite solidarité entre les diverses souches de la grande famille slave, de sorte que les intérêts de chacune d’entre elles devinssent les intérêts de toutes ; 2o qu’une députation fût envoyée, séance tenante, aux Croates et aux autres Slaves de la Hongrie, pour leur déclarer que les intérêts des Slaves exigeaient la solution à l’amiable de leurs différends avec les Magyars. La même députation aurait dû, à la suite de cette démarche, se rendre à Pesth pour amener les Magyars à faire de leur côté les concessions indispensables à la nationalité de chacun de ces peuples.

C’est de Paris que le général Dembinski partit pour la Hongrie. Il traversa la frontière sous le déguisement d’un mécanicien, avec les instrumens de cette profession. Le hasard fit qu’en mettant le pied sur le sol hongrois, il couchât sous le même toit que le général autrichien Schlick. Il parvint dès le lendemain à se soustraire aux inconvéniens de ce dangereux voisinage, et arriva heureusement, vers