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au pouvoir établi : les Beni-Eyndel, les Beni-bou-Douan, les Beni-Rhalia, les Beni-bou-Atab, les Beni-bou-Kanous, les Beni-bou-Chaïb, etc., tribus aux formes républicaines, n’obéissant qu’à une djemaa[1] nommée par le peuple tout entier, indépendantes, toujours en querelle, unies pourtant contre l’ennemi commun. Déjà ces tribus s’étaient rencontrées avec nos soldats. Une première fois, ce fut à l’Oued-Foddha de glorieuse mémoire ; plus tard, au mois de novembre 1842, elles avaient dû se soumettre devant nos colonnes sillonnant de nouveau leur territoire, mais cette soumissionne ne fut pas de longue durée, et à l’apparition d’Abd-el-Kader, vers le mois de janvier 1843, elles avaient repris les armes. Sidi-Embarek se trouvait alors dans l’Ouar-Senis avec ses bataillons réguliers, et s’efforçait d’exciter l’esprit de résistance des montagnards.

Trois colonnes devaient opérer dans ce pays sous la direction supérieure du général Changarnier. Chacune avait ses instructions précises, et le rendez-vous commun était assigné à la Medina des Béni-bou-Douan, village kabyle ou plutôt gros bourg qui se trouve au milieu de ces montagnes. Pour nous, nous allions à la cathédrale, ainsi que disaient les soldats parlant de l’arête rocheuse et de son dôme, avec les troupes que le général commandait en personne.

Le 10 mai, par un beau soleil, le cœur gai et alerte, nous franchissions la porte de Milianah et descendions l’étroit sentier qui mène, dans la direction ouest, à la vallée du Chéliff. Cent cinquante chevaux nous accompagnaient, car il était question, le lendemain, de tenter une surprise sur un village kabyle de la rive droite, où l’on disait que Berkani et sa famille, la plus considérable de l’importante tribu des Beni-Menacers, avait cherché un refuge. À peine dans la vallée, les clairons sonnèrent la halte pour donner à la colonne le temps de se serrer ; puis, tout le monde réuni, on se remit en route. Nous étions en pays ami ; le regard s’étendait au loin. Aussi, bien que les armes fussent chargées, l’on marchait sans se garder : en tête, le général, suivi de la cavalerie ; puis l’infanterie, précédée d’une compagnie de sapeurs du génie, avec des mulets portant des outils. Cette compagnie avait ordre d’aller à son pas, sans s’inquiéter de la cavalerie non plus que du général. Derrière venait une partie de l’infanterie, puis l’artillerie de montagnes, avec ses petites pièces que portaient ses mulets trapus, l’ambulance au drapeau rouge le convoi des vivres ; enfin, le bagage des corps, chevaux de bât, mulets ou ânes, sous la surveillance des sous-officiers et suivi d’une nombreuse infanterie qui fermait la marche, ayant à l’extrême arrière-garde des mulets de cacolets en cas de maladie ou d’accidens. De temps à autre, les officiers du général

  1. Commission de gouvernement.