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une éducation par le temps et l’expérience, qui corrige les mauvais penchans, développe et fortifie les bons ? Un Français qui aime sa patrie ne peut pas prendre son parti là-dessus, il ne consent pas à ce qu’une nation qui, de l’aveu universel, est le premier soldat, le premier penseur, le premier artiste de l’Europe moderne, que la nation qui a vu le plus clairement et le mieux exprimé toutes les vérités par lesquelles se forment et subsistent les sociétés humaines soit incapable de devenir plus politique.

L’Angleterre nous donne encore un exemple de ce que peut l’éducation pour redresser les instincts et ajouter aux facultés d’un peuple. Je ne crois pas la calomnier en disant qu’au fond on y aime médiocrement les arts. Il n’y a qu’à voir, pour ne parler que de Londres, comment ils y sont logés. Ce n’est pas que l’Angleterre n’ait d’éminens artistes ; mais ils le sont moins que ses industriels ou ses hommes politiques. L’Anglais sait pourtant qu’il est glorieux pour une grande nation d’aimer les arts. Aussi, dans ce pays, l’éducation tâche-t-elle d’en susciter le goût. Les natures les plus rebelles s’y prêtent avec ce sentiment du devoir qui est le trait caractéristique de la nation. L’Angleterre fait de grands sacrifices pour être un peuple artiste. Il n’est pas sans exemple qu’un bourgeois anglais écoute de la musique ailleurs qu’au théâtre de la Reine ou au concert, où l’attention est de devoir public. Qui sait ? la conviction qu’il sied à un peuple civilisé d’aimer la musique les amènera peut-être à s’y plaire. Les modes conduisent quelquefois aux goûts vrais. Tel qui regarde des tableaux pour se donner le relief de s’y connaître peut finir par y être pris et par rencontrer un noble goût où il ne cherchait qu’un innocent ridicule. Le climat a sans doute bien de l’empire ; mais Montesquieu lui-même, qui lui fait une si grande part dans les lois et dans les mœurs, n’a jamais dit qu’il fût plus puissant que la raison. Ne voilà-t-il pas une belle excuse pour une grande nation qui fait des fautes, de dire : Prenez-vous-en à mon climat ; ce sont ses variations qui me rendent si mobile. Fixez donc, si vous pouvez, l’aiguille du baromètre au beau !

Il y a moins de deux ans, beaucoup d’hommes, en France, ne pensaient pas trop prétendre pour leur pays en le croyant capable de s’approprier le gouvernement constitutionnel anglais. Ils estimaient que l’invention politique consiste moins à multiplier les projets de constitution et à créer pour la mort, qu’à rechercher dans les sociétés politiques qui ont prospéré par la liberté tout ce qui peut en être transplanté dans d’autres pays ; que cela sied mieux à un grand peuple qu’à tout autre, parce que, comme le génie qui imite, il ne fait que prendre son bien où il le trouve ; qu’il n’y a pas là une altération ni un abaissement de son caractère, mais peut-être une conquête de sa raison sur son