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antique du Teuton et du Slave. Ainsi de deux choses l’une : ou la Pologne trouvera, du consentement de l’Allemagne, un moyen de se reconstituer, soit par elle-même, soit par le slavisme et par la fédération des peuples autrichiens, ou bien elle sera russe. Il n’y a pas de milieu dans cette alternative.

L’Allemagne était donc mue par une inspiration vraiment politique, lorsque, dans la première effervescence de son libéralisme, elle tenait pour désirable la reconstitution de la Pologne, et offrait spontanément de s’y prêter. Ces momens de raison et d’équité ont passé trop vite. Faut-il désespérer de les voir revenir ? Je ne le pense pas. Il y a des considérations d’intérêt et de droit qui peuvent être étouffées par des passions de race et des préjugés internationaux, mais qui finissent par triompher en devenant plus saisissantes. Espérons d’ailleurs que les Poznaniens, pacifiquement occupés de maintenir leur nationalité par tous les moyens légaux, sauront faire face au germanisme sans le provoquer. Espérons surtout que les peuples triompheront à Vienne des vieilles traditions germaniques, et que la Gallicie, par le progrès naturel des libertés publiques en Autriche, prendra dans les affaires de la future confédération une influence qui servira l’avenir de la Pologne entière. Un publiciste autrichien, M. Schuselka, d’ailleurs favorable à l’indépendance de la Pologne, pose dans un récit récent ce qu’il appelle la question de vie ou de mort pour l’Autriche : « Ou allemande ou russe[1] ! » J’oserai conclure par une affirmation tout opposée à celle de M. Schuselka, et je dirai que l’unique moyen pour l’Autriche de ne point être Russe, c’est de ne pas être Allemande. Condamnée évidemment à prendre pour base de son existence le slavisme libéral, elle reste ainsi, en dépit du germanisme, un asile ouvert aux espérances de la Pologne.


HIPPOLYTE DESPREZ.

  1. Paris, chez Klincksieck. M. Schuselka est l’auteur de plusieurs écrits sur les intérêts de l’Allemagne dans la question russe. Il a publié en 1846 l’Allemagne, la Pologne et la Russie (en allemand). C’est un représentant aimable du germanisme autrichien.