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jusque-là aux inspirations du pouvoir impérial qui flattait sa misère, le paysan n’avait jamais eu d’inclination pour le germanisme. Il devait, par la force des choses, redevenir Polonais, et sentir le patriotisme de race se rallumer en lui dès qu’il aurait échappée aux préoccupations de sa haine sociale. À la faveur des libertés conquises à Vienne, la noblesse de Gallicie organisa sur toute la surface du pays des comités nationaux dont la mission était de diriger le mouvement des esprits et de se substituer à la bureaucratie allemande. Un conseil central installé à Léopol reliait entre eux les conseils locaux, qui, dans les premiers jours, faisaient fonction de municipalités. Les comités nationaux se, tinrent à l’origine dans les limites d’une réserve prudente, qui eût aplani bien des difficultés, si elle eût été durable. L’on n’avait point reçu du cabinet de Vienne les encouragemens belliqueux venus de Berlin en Poznanie. Cependant l’on avait réussi promptement à former une garde nationale ; les fusils avaient manqué, non les hommes. La garde civique chez un peuple du tempérament de la condition des Polonais n’a point le même caractère que chez nous ce n’est point l’inoffensive association de gens pacifiques qui ont besoin pour prendre feu de se sentir bien directement blessés ou menacés dans leurs intérêts. C’est une armée de volontaires impatiens qui envisagent leur métier par son côté le plus vif, et dont la susceptibilité veut être ménagée. La garde nationale de la Gallicie suivait naturellement l’impulsion des comités municipaux centralisés à Léopol dans le conseil supérieur. La direction de l’esprit public dépendait donc de l’action de ce conseil. Le conseil de Léopol tomba par malheur aux mains des hommes les plus turbulens de la province et des agens de la société démocratique de Versailles. Vainement l’influence des conservateurs autochthones se combina-t-elle avec celle du prince Czartoryski, présente en Gallicie, comme à Posen, pour conseiller la prudence : elle ne put assez promptement contre-carrer les entreprises du conseil de Léopol. Des altercations survinrent entre les troupes et la garde nationale. Tout de même qu’en Prusse ; le gouvernement attendait et désirait un conflit. Que fallait-il de plus à un pouvoir non encore débarrassé de ses traditions d’absolutisme, pour suspendre ou supprimer des droits qu’il avait accordés à regret ? Le bombardement de Léopol, l’état de siége, ont en effet mis en péril l’autonomie que les Galiciens pensaient avoir conquise, et rouvert une assez large brèche par où le germanisme a su rentrer dans la place.

Il y avait, à la vérité, un autre terrain où les Galiciens pouvaient reprendre avantage sur l’Autriche germanique. Battus un peu par imprudence dans leurs foyers, ils avaient sous la main de grandes facilités pour une revanche à Prague, à Agram, à Pesth, à Vienne même. On n’a point oublié peut-être comment l’émigration, et particulièrement