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paysans dans une commune espérance. La Liga Polska, conçue et dirigée dans un esprit aussi modéré que national, s’est enrichie des dons volontaires des patiotes. Elle a des journaux qui savent parler au peuple son vrai langage, non point ce langage déclamatoire ou vulgaire qui est au service de tout tribun de carrefour, mais cette langue simple et animée qui sait donner à la raison les couleurs du sentiment et revêtir la science des formes de la poésie. Le paysan suit l’impulsion qui lui est ainsi donnée de haut ; et la passion, au lieu de l’abaisser comme ailleurs aux funestes préoccupations d’un matérialisme brutal, l’élève à la notion de la solidarité et du sacrifice[1]. La nationalité des Poznaniens retrouve ainsi dans les libertés constitutionnelles de la Prusse un moyen légal aux nouvelles chaînes administratives dont elle est embarrassée. La consolidation de ces libertés, voilà aujourd’hui le but essentiel et unique de la Poznanie : c’est la politique qui avait été indiquée dès l’origine par le parti conservateur dans l’émigration et dans le pays.

La Poznanie a été représentée à Berlin comme les autres provinces, dans toutes les diètes qui s’y sont succédé depuis un an. Il eût été difficile aux députés polonais d’y jouer un rôle très large ; ils ont su du moins y conserver une réserve intelligente et nationale, ne s’affiliant pas, à tel ou tel parti, sachant rester indifférens dans toutes les questions qui ne les touchent point, et toutes leurs raisons d’agir dans la seule considération du patriotisme de race. Plût à Dieu que la députation de la Gallicie à Vienne eût suivi tout entière une inspiration semblable, et que l’intérêt mal entendu du libéralisme ne lui eût point fait perdre quelquefois de vue l’intérêt de la nationalité !


III

La politique conservatrice qui avait présidé aux premiers efforts du duché de Posen, et qui a repris là toute son autorité après le court passage et les aventures malheureuses de M. Mieroslawski, fut adoptée dès l’origine par la noblesse gallicienne. Le malheur est que le parti conservateur ne se soit point assez énergiquement concerté en Gallicie, et qu’il ait d’ailleurs faibli lui-même dans quelques-uns de ses membres au moment de la dernière révolution de Vienne et la guerre de Hongrie. C’est en Gallicie pourtant qu’il avait le plus besoin d’être fortement constitué, parce que c’est là qu’il y avait le plus de maux profonds à réparer et le plus de chances ouvertes à l’action politique de la race polonaise.

  1. Je fais allusion surtout au très remarquable journal de l’abbé Prusinowski. Cet écrit est regardé comme un modèle de littérature et de politique populaires.