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n’était peut-être nécessaire pour ralentir l’action déjà si peu empressée du gouvernement prussien. Le cabinet n’osa pas cependant retirer absolument ses promesses avant que les événemens fussent venus donner lieu à des conflits violens et que l’agitation anti-slave suscitée par le patriotisme germanique eût pris assez de consistance pour appeler directement la répression.

D’abord le général Willisen est envoyé en mission à Posen ; il est officiellement chargé de concilier les intérêts et d’apaiser les passions. Le général paraît prendre sa mission au sérieux. « Polonais, dit-il vous voulez avoir une administration et une juridiction polonaises, vous les aurez. » Il déclare qu’en garantie de cette promesse le roi a décidé qu’un Polonais serait placé à la tête du pouvoir dans la province, et que le libre choix des Landrath sera rétabli dans les districts. Le général Willisen annonce en outre que la Poznanie aura une force armée. Il n’en est point, dit-il, de plus nationale que la Landwehr. Ce principe de la Landwehr pourra d’ailleurs recevoir, des développemens, et le général accueillera toutes les propositions qui lui seront faites au sujet des emblèmes et du commandement de cette troupe. « Allemands, ajoute le général Willisen, n’ayez aucune crainte ; les droits que vous donne votre langue ne peuvent pas vous être arrachés, toute la Prusse vous les garantit. Ainsi le veut l’esprit des institutions nouvelles ; chaque race pourra conférer dans sa propre langue avec ses autorités. Ayez confiance dans les Polonais ; en ces derniers temps d’une irritation provoquée par les événemens, ils ont fait de grands efforts pour vous préserver de toute injustice… Ne cherchez pas à vous accuser les uns les autres… Vous êtes forts, si vous êtes unis ; sans cette union, vous seriez exposés au danger d’une première attaque qui pourrait vous venir du dehors. »

On le voit, le commissaire prussien promettait encore aux Polonais la nationalité ; il les laissait encore croire à la possibilité de grandes complications politiques à l’extérieur. Bien convaincus de la sincérité de son langage et de sa conduite, les Poznaniens signèrent avec lui, à Jaroslawiecz, une convention d’après laquelle l’organisation nationale « du duché devait commencer dès que les troupes de volontaires polonais, formées irrégulièrement, se seraient dispersées. Or, la question, qui semblait, par cet arrangement, avoir fait un grand pas, était plus éloignée que jamais d’une solution pacifique. Vainement le général Willisen avait-il donné l’ordre aux généraux prussiens d’arrêter tout mouvement de troupes pour ne point inquiéter les masses polo aises au moment de leur dispersion : débordé lui-même par les passions de l’armée, il vit ses ordres méconnus ; il s’entendit déclarer traître à la patrie allemande ; sa vie fut menacée sans que le général qui commandait à Posen songeât à protéger son frère d’armes. Enfin le vœu